Légalisation du cannabis : Bègles veut devenir un « territoire expérimental » de culture, vente et consommation
« Ces terres pourraient être gérées par l’État, ou un réseau de partenaires », propose le maire de Bègles © Crédit photo : Illustration archives Émilie Drouinaud / « SUD OUEST »

Par Recueilli par Daniel Bozec – d.bozec@sudouest.fr

Le maire écologiste Clément Rossignol Puech s’invite dans un débat explosif, faisant le constat de l’échec du statu quo en matière de lutte contre la consommation et des trafics « qui minent les quartiers »

SUD-OUEST : Il n’aura pas tardé à réagir à l’avis « de bon sens » rendu le 24 janvier par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), la représentation nationale du patronat, des syndicats et des associations, qui suggère « une légalisation encadrée des usages récréatifs du cannabis ». Maire écologiste de Bègles, Clément Rossignol Puech va plus loin : il entend proposer au président de la République Emmanuel Macron de faire de Bègles le « premier territoire d’expérimentation, à la fois pour la culture, la vente et la consommation encadrée » du cannabis récréatif.

« En France, ce débat est particulièrement clivant », convient Clément Rossignol Puech, maire de Bègles.
« En France, ce débat est particulièrement clivant », convient Clément Rossignol Puech, maire de Bègles.Archives Laurent Theillet/ « Sud Ouest »

Faire de Bègles un « territoire d’expérimentation pour la culture, la vente et la consommation encadrée » du cannabis récréatif : certains parmi vos administrés pourraient se demander si leur maire n’est pas tombé sur la tête…

Non, et je ne suis pas le seul élu local qui réfléchit à ce genre de position. Elle fait suite à de très nombreux rapports parlementaires, de droite comme de gauche. La France est le pays qui consomme le plus en Europe, alors que la réglementation y est la plus restrictive : on voit bien que c’est un système dysfonctionnant. En parallèle, on observe des mouvements de légalisation du cannabis, aux États-Unis, au Canada, en Allemagne. Ils vont de pair avec l’instauration de politiques sanitaires très fortes et la consommation baisse, notamment chez les jeunes : l’attrait de l’interdit n’existe plus, et ceux qui ont des problèmes d’addiction peuvent en parler plus librement. Je prône un encadrement par la loi, je ne fais pas l’apologie du cannabis, qui est une drogue, avec notamment des séquelles sur les fonctions cognitives en formation chez les plus jeunes.

Selon vous, c’est aussi un moyen de lutter contre les trafics ?

À l’enjeu de santé publique s’ajoute celui de la tranquillité publique : ce sont les trafics de cannabis qui minent les quartiers.

Et pourtant, pas plus tard que la semaine dernière, vous avez co-signé un plan d’actions dans un quartier de Bègles, les Terres-Neuves…

On a des actions volontaristes, mais l’encadrement de la culture et de la vente serait une action encore plus efficace, qui éviterait à la police d’être submergée par la lutte contre les trafics. J’ajoute, et c’est le Cese qui le rappelle, que 45 % des Français [les 15-64 ans] ont déjà expérimenté le cannabis, contre 27 % en Europe, et qu’on compte 1 million de consommateurs au quotidien. C’est un fait de société majeur, que l’on cache.

À quoi ressemblerait ce « territoire expérimental » béglais ? Faut-il imaginer des plants de cannabis sur les balcons, dans les parcs, des boutiques en centre-ville ?

Il existe plusieurs modèles de régulation au niveau international. Il faut des cultures contrôlées, le Cese prône d’ailleurs l’usage de cultures bio. Ces terres pourraient être gérées par l’État, ou un réseau de partenaires. En Espagne, il existe aussi des « cannabis social clubs », ouverts sur adhésion. Au Canada, les points de vente sont interdits aux moins de 21 ans, d’ailleurs – je le mets au débat – je pense qu’il faudrait être majeur. Sur les balcons, toujours au Canada, c’est par exemple quatre plants maximum.

L’expérimentation a-t-elle une réelle chance d’aboutir ou est-ce une simple contribution au débat ?

Je suis honnête avec vous, c’est pour signifier à l’État qu’il existe des élus locaux prêts à se retrousser les manches. Mais j’espère avoir l’oreille du gouvernement et du président.

« À Bègles, on sait faire avancer la législation. Souvenez-vous du mariage homosexuel, célébré par Noël Mamère, en 2004 »

Ne craignez-vous pas de vous mettre à dos une partie de vos administrés ?

En France, ce débat est particulièrement clivant. D’autres pays européens sont beaucoup plus pragmatiques, ils ne sont pas sur des enjeux moraux. Mais, à Bègles, on sait faire avancer la législation. Souvenez-vous du premier mariage homosexuel, célébré par Noël Mamère, en 2004.

C’est dans cette droite ligne que vous vous inscrivez ?

Je ne vais pas désobéir et ouvrir de mon propre chef un coffee shop, mais je souhaite faire avancer la réflexion. On pourrait organiser des débats sur le sujet à Bègles et convier les membres du Cese.

Quel est le retour de vos collègues maires ?

Peut-être en parlera-t-on ce vendredi (27 janvier, NDLR) dans les couloirs du conseil métropolitain. Les positions sont moins caricaturales hors micro. Tous les maires de l’agglomération bordelaise, quel que soit leur bord, font face à ces problématiques de santé et de trafics de pied d’immeuble.

Vous insistez sans cesse sur le fait que le débat transcende les appartenances politiques et n’est pas l’apanage des Verts…

Tout à fait. Je ne veux pas qu’on dise : « C’est un écolo, un fumeur de pétards. » À titre personnel, je ne fume pas, et si je m’engage, c’est surtout pour les enfants béglais.

Légalisation du cannabis : Bègles veut devenir un « territoire expérimental » de culture, vente et consommation