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<p>Un industriel pourra couvrir de panneaux photovoltaïques jusqu’à 40 % d’un champ, réglemente un décret. <em>– © Arnaud Le Vu / Hans Lucas via AFP</em></p>



<p>L’État a finalisé le décret encadrant la pratique de l’agrivoltaïsme. Un compromis sans surprise, qui laisse une marge de manœuvre importante aux industriels de l’énergie.</p>



<p>Encore un arbitrage qui n’a pas fini d’être critiqué. Après plus d’un an d’hésitation, le fort attendu décret censé encadrer l’agrivoltaïsme a été publié le 9 avril. En mars 2023, la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (Aper) avait posé une <a href=première définition (art. 54) de ces installations solaires au-dessus d’une parcelle agricole sans empêcher la culture en-dessous (au moins en théorie). Restait à régler les détails pratiques pour encadrer ces projets d’un nouveau genre. Une année entière de lobbying acharné des énergéticiens comme des syndicats agricoles — chaque monde lui-même divisé sur la stratégie à mener — a été nécessaire pour aboutir à la version finale du décret publié cette semaine et qui s’appliquera à tous les nouveaux projets agrivoltaïques déposés à compter du 9 mai prochain.

Jusqu’à 40 % de la surface agricole couverte

Pour quel résultat ? Peu de changement par rapport à ce qui avait été déjà annoncé par le gouvernement en décembre dernier. Sujet clé, le taux de couverture des parcelles : quelle part d’une parcelle cultivée un industriel pourra-t-il couvrir de panneaux ? Ce sera dans la grande majorité des cas jusqu’à 40 %. Un chiffre issu d’un compromis entre la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles] et le Syndicat des énergies renouvelables — bien au-delà des préconisations des premières synthèses scientifiques.

Lire aussi : En agriculture, les bienfaits incertains de l’agrivoltaïsme

Le syndicat Sud Recherche n’a d’ailleurs pas manqué de faire part de ses inquiétudes sur les orientations technologiques actuelles dans un courrier adressé à l’ensemble du personnel de l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Surtout, le décret de ce mois d’avril anticipe déjà des règles plus souples pour le futur en créant une catégorie de « technologies éprouvées ». Une liste de technologies (avec des types de climat et de sol associés) encore vide aujourd’hui qui devra être complétée par l’Agence de la transition écologique (Ademe), sur la base des retours d’expérience.

Devant l’euphorie champêtre des énergéticiens, le décret maintient au moins deux garde-fous. D’abord, l’installation agrivoltaïque – pieux en métal, structure, raccordements et locaux techniques inclus — ne pourra pas faire perdre plus de 10 % de la surface agricole. Surtout, la perte de production alimentaire due à l’ombrage des panneaux devra se limiter à 10 % par rapport à une surface témoin. Là encore, cette surface témoin ne sera pas systématique : les « technologies éprouvées » déjà évoquées pourront en être exemptées et le préfet du département pourra aussi accorder des dérogations, notamment s’il existe une installation similaire à l’échelle régionale et dans « des conditions pédoclimatiques similaires ».

Le foncier et le revenu agricole toujours mal protégés

Rassemblant pourtant nombre d’acteurs de la filière, l’association France Agrivoltaïsme « salue » dans un communiqué ce texte « attendu de longue date » mais attend désormais « des compléments essentiels » et réclame notamment un « arrêté exigeant pour des contrôles effectifs et des sanctions dissuasives ». Le décret pris reste en effet encore flou sur la manière de calculer les pertes de rendements (10 % maximum), notamment quand les panneaux sont au-dessus de pâturages destinés à l’élevage.

Enfin, la question de l’économie des projets reste toujours entière, le gouvernement ayant rapidement renvoyé ce sujet à la proposition de loi sur le partage de la valeur, déposé début mars en pleine mobilisation agricole, sans se douter que celui-ci prendrait une telle importance après les mobilisations d’agriculteurs de ce début d’année.

« Ce texte laisse la porte grande ouverte aux énergéticiens »

Sur le terrain justement, les pratiques observées par les énergéticiens suscitent déjà la contestation, notamment de la Confédération paysanne, qui annonce contester le décret devant la justice. « Ce n’est pas vraiment un cadre, car ce texte laisse la porte grande ouverte aux énergéticiens », déplore auprès de Reporterre Nicolas Fortin, éleveur dans la Vienne, en charge de l’énergie au sein du syndicat paysan. « On s’assoie sur la souveraineté alimentaire, tout en mettant une pression énorme sur le foncier. » Le résultat final de cette politique risque d’être assez peu éblouissant.

Les champs bientôt couverts jusqu’à 40% de panneaux solaires