Le prix élevé de l’énergie est venu aggraver un contexte qui poussait déjà les collectivités à envisager une hausse du prix des services publics de gestion des déchets, de l’eau, de l’assainissement et des transports publics.
Ce n’est jamais de gaieté de cœur que les élus procèdent à une hausse des tarifs des services publics. Mais la situation est devenue inextricable dans de nombreux secteurs, qu’il s’agisse des services d’eau et d’assainissement, de gestion des déchets ou des transports publics.
La hausse du prix de l’électricité et du gaz
Le maintien à un niveau élevé des prix de l’énergie (électricité et gaz) a fragilisé les collectivités. Certes, les petites communes (moins de 10 agents et moins de 2 millions d’euros de recettes) ont en partie été préservées grâce aux tarifs réglementés de vente (TRV), tandis que les autres tailles de collectivités peuvent s’appuyer sur les dispositifs mis en place par le gouvernement (l’amortisseur électricité, le filet de sécurité, etc.).
Mais il y aura tout de même un impact financier. D’autant qu’un grand nombre de collectivités qui avaient signé des contrats pluriannuels de fourniture d’énergie (et dont les prix n’avaient pas été revus) vont devoir relancer leurs contrats cette année.
Seul point positif dans cette crise : elle incite les élus « à reprendre en main leur destin énergétique », explique Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce, « et à rentrer dans une approche systémique de la sobriété ».
Les transports publics font la grimace
Mais la hausse des prix de l’énergie n’est pas la seule responsable de la crise dans ces trois secteurs (eau, déchets, transports), où l’équation budgétaire était déjà devenue difficile à tenir.
Dans le cas des transports, la fréquentation des bus, trams et métros n’est jamais revenue à la normale depuis la crise sanitaire. Les recettes des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont été impactées, et le gouvernement a fréquemment rechigné à leur venir en aide.
La menace d’une hausse des tarifs pour l’usager est bien là, et elle a déjà été actée en Ile-de-France (lire notre article sur le pass Navigo).
Dans d’autres cas, c’est une réduction de l’offre de transports publics qui est envisagée, alors même que la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) dans les métropoles nécessiterait de les renforcer pour offrir une alternative plus importante à la voiture.
Cette situation de crise a entraîné la tenue d’une réunion, le 21 décembre, entre le gouvernement et les associations d’élus – France Urbaine, le GART et Intercommunalités de France. C’est le début d’un travail de fond pour « définir un modèle économique plus pérenne », explique France urbaine, pour qui « la grande majorité des territoires devenus autorités organisatrices de la mobilité n’est plus en capacité de les financer et encore moins d’assurer les conditions de la transition écologique ».
A l’issue de cette réunion, France Urbaine s’est félicitée « des aides de l’État », qui compensent « une partie des effets de la crise énergétique », et de la validation, par le gouvernement, de la méthode de répartition des aides exceptionnelles (100 M€) de l’Etat : elles cibleront à 80% les surcoûts énergétiques et à 20 % les autres charges (notamment l’augmentation du coût de la main d’œuvre).
Eau : des vagues de hausses
Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, le seuil d’alerte est atteint depuis déjà quelque temps. Depuis trop d’années, les investissements dans les réseaux sont très insuffisants et ne permettent pas de maintenir l’état de ce patrimoine, exposant les collectivités à un mur d’investissement. Surtout dans un contexte de changement climatique qui fragilise plus encore ces infrastructures.
A cela est donc venue s’ajouter une explosion des coûts de l’énergie (les usines d’eau et d’assainissement sont très énergivores), mais aussi du prix des réactifs chimiques, des matériaux, des équipements et des travaux. Sans parler des impacts de la nouvelle directive eau potable du 20 décembre 2020, et de la nécessité d’investir pour mieux traiter les micropolluants.
Dans ce contexte, de très nombreux services d’eau et d’assainissement ont plongé dans le rouge et n’ont eu d’autre choix, en fin d’année, que de revoir leurs budgets à la hausse. Avec, à la clé, une hausse du prix de l’eau.
Dans son édition du 2 janvier, « Le Parisien » a recensé une série d’augmentations qui varient, selon les territoires, « entre 1 et 18 % » : « + 6,2 % pour l’agglomération du Cotentin (Manche), + 11 % à Thouars (Deux-Sèvres), + 9,5 % à Roubaix (Nord), + 10 % en moyenne à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) », ou encore +13% à Charleville-Mézières (Ardennes), après une augmentation de 6 % en 2022.
Fin janvier, le gouvernement présentera son plan national sur l’eau, qui correspond au volet eau de sa feuille de route sur la planification écologique. Les mesures qui seront annoncées dépasseront le seul cadre des enjeux financiers de la gestion de l’eau.
Les déchets face à un effet ciseau
Enfin, concernant les déchets, la situation est à l’unisson. Les collectivités subissent une hausse continue de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), sur l’enfouissement et l’incinération des déchets, tandis que les filières à responsabilité élargie des producteurs – censées réduire le volume des déchets à traiter – tardent à être lancées ou à atteindre leurs objectifs.
De plus, les collectivités sont à la traîne sur la mise en place, obligatoire avant le 31 décembre 2023, de la collecte séparée des biodéchets.
Face à cette situation, une hausse de la fiscalité locale semble inévitable. En décembre dernier, alors que les taux de ces taxes déchets étaient en train d’être votées, Nicolas Garnier nous confiait que la question de leur hausse « était sur toutes les lèvres des élus ».