Emmanuel Macron a présenté un nouveau plan d’investissement, France 2030, qui a vocation à soutenir plusieurs secteurs industriels jugés clés, pour maintenir leurs parts de marché et même en devenir les leaders mondiaux. « Tout le monde doit entre en ligne » selon le Président de la République mais les collectivités restent pour le moment cantonnées au rôle de figurant.

C’est le retour du « en même temps » mais pas encore avec tout le monde. Le Président de la République Emmanuel Macron a évoqué ce 12 octobre devant son gouvernement et des acteurs de la vie économique sa « vision » de la France 2030 et sa méthode pour construire un pays qui doit « produire mieux, vivre mieux et comprendre mieux le monde ». Pour parvenir à aider l’Hexagone à devenir ou rester leader dans quelques secteurs clé comme l’énergie, le transport, l’alimentation, la culture ou la santé, il souhaite en même temps réconcilier l’innovation et l’industrie, les grands groupes et les start-up, associer les investisseurs privés et le secteur public, mais en laissant pour le moment les collectivités à la marge des opérations.

4 milliards inscrits dans le PLF 2022

La stratégie de l’exécutif passe par un plan d’investissement de 30 milliards étalé sur cinq ans. Evoqué dès le 12 juillet dernier, ce plan doit « commencer » vite » pour « enclencher une dynamique » et devrait intégrer le projet de loi de finances pour 2022 par voie d’amendement pour libérer « dès le 1er janvier 2022, les premiers crédits » qui « seront budgétés avec une cible de 3 à 4 milliards d’euros. »

Il est ventilé de la façon suivante :

  • 8 milliards d’euros consacrés à l’énergie et la décarbonation de l’économie dont 2 milliards d’euros pour la filière hydrogène et 1 milliard au nucléaire,
  • 6 milliards d’euros vers les secteurs de l’électronique et de la robotique,
  • 5 milliards d’euros dans les start-up dont 2 milliards de subventions et 3 milliards de fonds propres,
  • 4 milliards d’euros pour les transports notamment en direction des batteries et de la construction d’un avion bas carbone,
  • 2 milliards d’euros doivent financer une « révolution du système agroalimentaire », dont 500 millions d’euros en fonds propres,
  • 3 milliards d’euros fléchés vers la recherche et l’industrie de la santé, afin de produire d’ici 2030 une vingtaine de biomédicaments et développer les « dispositifs médicaux de demain »,
  • 2,5 milliards d’euros vers la formation,
  •  2 milliards d’euros pour la culture, l’exploration spatiale et des fonds marins.

Transition écologique épicentre du plan

Dans le détail, la transition écologique est au cœur du plan annoncé par Emmanuel Macron pour dessiner la France de 2030. Et tout particulièrement le nucléaire, qui a été présenté comme le premier objectif de ce plan. Un milliard d’euros va être mobilisé pour aider la filière nucléaire française à se positionner sur le marché émergent des petits réacteurs modulaires nucléaires SMR (1) et pour améliorer la gestion des déchets nucléaires. Ce type d’équipement n’a a priori pas vocation à être installé en France, qui est équipée de gros réacteurs.

Le deuxième objectif concerne l’hydrogène vert, dont Emmanuel Macron veut faire de la France « un leader mondial », en s’appuyant sur le nucléaire pour produire de l’hydrogène sans émission de carbone. « On n’aura jamais assez d’énergies renouvelables produites en Europe pour faire de l’électrolyse (et produire de l’hydrogène) », estime-t-il. Pour « ne pas répéter les erreurs du passés dans les énergies renouvelables », il appelle à investir massivement. Il veut également consacrer 500 M€ aux technologies de rupture concernant les énergies renouvelables, pour le photovoltaïque, l’éolien terrestre et en mer.

Le troisième objectif concerne la décarbonation de l’industrie, qui va être nécessaire pour maintenir les emplois. L’objectif est de réduire les émissions de 35% en 2030 par rapport à 2015, alors que cette baisse n’est actuellement que de 4%. Pour autant, si cet objectif n’est pas atteint, « on ne va pas fermer ces sites », a tempéré le Président, qui a ajouté que cet effort allait nécessitait des centaines de millions d’euros par site et des investissements public-privé.

Concernant les transports, le gouvernement veut accompagner l’industrie automobile à conserver ses parts de marché actuelles, ce qui lui permettra alors d’atteindre l’objectif de produire 2 millions de véhicules hybrides et électriques en 2030. L’accent devra aussi être mis sur les batteries, avec notamment trois projets de grandes usines (ou « giga factory ») en cours de développement. De même, Emmanuel Macron mise sur l’avion bas carbone qu’il espère voir voler dès 2030.

L’agriculture et l’alimentation sont également concernées, avec 2 Md€ fléchés pour porter trois révolutions à venir dans ce secteur : le numérique, la génétique et la robotique.

Agir sur le déficit

Derrière le souci de compétitivité, Emmanuel Macron pense aussi amener la croissance nécessaire à la réduction du déficit public creusé par la crise sanitaire. Il prévient : « Si nous ne prenons pas ce virage de l’innovation et de l’industrialisation, nous continuerons de dégrader nos déficits extérieurs, parce qu’on continuera d’importer et nous continuerons de créer trop peu d’emplois, trop peu d’opportunités pour nos jeunes, et donc de les réparer par de la dépense publique ».

Mais après la crise sanitaire qui a généré 140 milliards de dépenses supplémentaires et le plan de relance doté de 100 milliards d’euros, l’exécutif compte d’abord sur un effet levier venant du secteur privé : « On ne peut pas choisir entre l’innovation et l’industrialisation. Il faut qu’on mène ensemble la bataille. Et ça veut dire qu’il faut qu’on mette beaucoup d’argent public et privé, parce que “le  gagnant prend tout”, comme disent les Anglo-Saxons. »

Les collectivités dans la salle d’attente

En revanche s’il a bien conscience que « la réalité de la France des start-up est une France qui est partout dans les territoires »,  ceux-ci ne sont pour le moment pas encore associés au plan, si ce n’est pour les prévenir de suivre le train : « Il faut accepter de financer l’innovation où elle est. Or la capacité à faire confiance à l’émergence passe aussi par les politiques d’achat. Si elles ne sont pas cohérentes avec la stratégie fixée, du côté des grandes administrations publiques, des collectivités locales ou des grands groupes français, tout ce que je viens de dire n’adviendra pas. La feuille de route que je donne intègre aussi la politique d’achat. »

Il rajoute : « on doit simplifier les gouvernances établies. On a sédimenté beaucoup de structures avec beaucoup de commissions, de secrétariats, d’organismes,etc. Nous avons un modèle français du pilotage de la recherche et de l’innovation et du développement industriel qui n’est plus adapté ». Les collectivités doivent-elles se sentir responsables ou victimes de ce diagnostic ? Le Président de la République ne sera pas plus précis qu’appeler à la simplification de la gouvernance et des procédures et demander à tous les acteurs « d’être tous en ligne » pour réussir ce plan. « C’est un travail qui va impliquer l’ensemble des partenaires sociaux, des organisations professionnelles, des collectivités territoriales « , convoque-t-il.

Etonnées de n’avoir pas été mises dans la boucle dans la préparation du plan, les régions compétentes en matière de développement économique et de formation, ont finalement été reçues la semaine dernière par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire : « l’idée était de voir comment associer les régions à la gouvernance », fait savoir Jules Nyssen, le délégué général de Régions de France. « Nous avons proposé un principe de contrats d’objectifs et de moyens à l’échelle de chaque région pour une partie du plan. Le ministre a semblé y être favorable, mais c’est in fine le Président de la République qui tranchera » se résout-il.

Les collectivités sont donc dans l’attente d’un signe de l’Elysée. Comme en début de quinquennat, le retour du « en même temps » semble aller de pair avec celui de « Jupiter ».

France 2030 : un plan d’investissement qui laisse les collectivités dans l’attente