La Mairie entend consacrer 250 millions d’euros en six ans au développement des pistes cyclables et à d’autres mesures favorables à la petite reine.

Par Denis Cosnard Publié dans LE MONDE le 21 octobre 2021 à 17h42,

Une Parisienne à vélo, le 21 octobre 2021.
Une Parisienne à vélo, le 21 octobre 2021. FRANCOIS MORI / AP

Le refrain date de 1972. « Dans Paris, à vélo, on dépasse les autos », chantait Joe Dassin dans sa Complainte de l’heure de pointe. Cinquante ans plus tard, la formule pourrait bien trouver sous peu un nouveau sens, et les trajets effectués à bicyclette dépasser en nombre ceux réalisés en voiture. Les deux courbes devraient se croiser dès 2024, et les déplacements à vélo dominer clairement à l’horizon 2026, selon les projections dévoilées, jeudi 21 octobre, par la Mairie de Paris.

« C’est bien ce que nous voulons, assume David Belliard, l’adjoint écologiste chargé des déplacements et de l’espace public. Le vélo représente déjà 5,6 % des déplacements à Paris, contre 9 % pour la voiture. Sur certains axes, il y a parfois davantage de cyclistes que d’automobilistes, mais c’est encore exceptionnel. » L’ambition de l’alliance rouge-rose-vert qui dirige la capitale est que les deux courbes s’inversent au plus vite, au nom de la santé publique et de la lutte contre le dérèglement climatique.

Pour l’heure, le vélo est loin d’avoir détrôné l’automobile, surtout les jours de pluie. Cependant, la politique antivoiture de la gauche parisienne a déjà réduit sensiblement la circulation intra-muros. Le trafic automobile a baissé d’environ 45 % depuis l’élection de Bertrand Delanoë, en 2001.

Amplifier le mouvement

Et le mouvement se poursuit, alimenté par les mesures qui s’accumulent, même si l’opposition de droite renâcle. Depuis le 30 août, la vitesse est ainsi limitée à 30 km/h dans presque tout Paris. De même, une « zone à trafic limité » doit être mise en place dans le centre de la capitale, courant 2022, avec l’objectif d’y diviser par deux la circulation routière.

En sens inverse, le vélo a amorcé son grand retour dans les rues de la capitale. Depuis 2020, les confinements ont accéléré le phénomène, avec l’installation en urgence de 52 kilomètres de pistes cyclables temporaires. La fréquentation des pistes cyclables a bondi de 47 % en 2020, et de nouveau de 22 % en 2021.

A présent, la maire socialiste, Anne Hidalgo, et ses alliés écologistes veulent encore amplifier le mouvement. Tel est le sens du plan Vélo présenté jeudi par David Belliard, et soumis à la prochaine réunion du Conseil de Paris, à la mi-novembre.

La Mairie a prévu d’y consacrer 250 millions d’euros en six ans. C’est 100 millions d’euros de moins que les 350 millions promis par Anne Hidalgo durant sa campagne électorale, en 2020. Mais, compte tenu des difficultés budgétaires de Paris, les écologistes redoutaient pire. Ils craignaient, en outre, que la maire ne veuille pas s’engager sur un plan pluriannuel, elle qui a renoncé, en juin, à présenter un programme d’investissement pour l’ensemble de la mandature.

Aboutir à un réseau d’équipements dense, sûr et pratique

A l’issue de plusieurs mois de tractations, socialistes et écologistes ont fini par s’entendre sur cette enveloppe de 250 millions d’euros, inférieure aux promesses, mais supérieure aux 150 millions du plan Vélo lancé durant le précédent mandat de Mme Hidalgo. Le vélo a visiblement été jugé prioritaire. Un marqueur politique. D’autres adjoints ne sont pas aussi satisfaits des arbitrages rendus ces dernières semaines.

Avec cet argent, la Mairie de Paris veut mener à bien divers projets. D’abord, pérenniser l’essentiel des « coronapistes » installées en 2020, en remplaçant les plots jaunes en béton qui font l’unanimité contre eux par de vrais aménagements durables et plus esthétiques. Ensuite, créer 130 kilomètres de pistes sécurisées du même type ainsi que 390 kilomètres de pistes légères dans les plus petites rues, et sécuriser les carrefours. Enfin, augmenter de moitié le nombre d’arceaux auxquels accrocher les vélos, et dégager 100 000 nouvelles places de stationnement. En résumé, aboutir à un réseau d’équipements dense, sûr et pratique, de nature à convaincre ceux qui hésitent encore.

Le plan Vélo précédent, lancé en 2014, n’avait été réalisé, selon les pointages de l’association Paris en selle, qu’à hauteur de 56 %… dont une partie de façon insatisfaisante

« Ces objectifs sont en ligne avec nos attentes, et nous sommes heureux que des moyens financiers clairs y soient affectés », se réjouit Jean-Sébastien Catier. Le président de l’association Paris en selle s’interroge toutefois sur le calendrier. L’annonce du plan intervient plus d’un an après l’élection municipale. Des villes comme Strasbourg ou Lyon ont été plus rapides. Surtout, les travaux annoncés se concrétiseront-ils vraiment, et à quel rythme ? Le plan Vélo précédent, lancé en 2014, n’avait été réalisé, selon les pointages de Paris en selle, qu’à hauteur de 56 %… dont une partie de façon insatisfaisante.

« Cette fois-ci, on espère que la Mairie pourra aller au-delà de la pérennisation des pistes temporaires avant les Jeux olympiques de 2024, qui entraîneront forcément une interruption des travaux », ajoute M. Catier. L’association francilienne Mieux se déplacer à bicyclette demande, elle aussi, « un calendrier ambitieux » de réalisation des projets, pour répondre aux Parisiens « qui se sont mis massivement au vélo et constatent chaque jour les trous du réseau cyclable ». « Le plan précédent n’a certes pas atteint les objectifs exacts qui avaient été fixés, a reconnu, jeudi, David Belliard. Il a néanmoins permis une explosion de l’usage du vélo. C’est cela que j’en retiens. »

Une fois le nouveau plan adopté, l’équipe municipale a prévu de poursuivre sa politique provélo à travers deux autres actions. Elle entend ainsi maintenir la pression sur Smovengo, l’opérateur privé des vélos en libre-service Vélib’, pour qu’il améliore la qualité du service rendu, très au-dessous des attentes.

L’entreprise vient enfin de recevoir 3 000 vélos électriques commandés en 2020 ; les Parisiens devraient ainsi avoir moins de mal à trouver un vélo en bon état dans les stations. Pour éviter de connaître avec les vélos et les scooters en libre-service le même chaos qu’avec les trottinettes en 2019, la Mairie entend également réguler ce marché naissant. Un appel d’offres devrait être lancé en 2022.

Denis Cosnard

A Paris, le vélo pourrait détrôner la voiture dès 2025