Cet hiver sera le dernier où il sera possible de skier sur le domaine glaciaire de La Plagne : à partir de l’été prochain, la station démontera les remontées mécaniques qui y sont installées. Mais elle entend préserver une expérience de la haute altitude au travers d’une nouvelle télécabine construite sur une emprise moins affectée par le réchauffement climatique. Un choix qui n’a pas été évident pour tous, comme le rapporte Nicolas Provendie, directeur général de la Société d’aménagement de la station.
L’hiver 2022-2023 est la dernière saison de ski sur les glaciers de La Plagne (Savoie), après près de 50 ans d’exploitation : l’hiver prochain, les travaux devant permettre de supprimer tout équipement du domaine glaciaire, pour reporter les skieurs vers une zone moins sensible au réchauffement climatique, seront terminés. Un chantier de 30 M€, entièrement financé par la station et qui supprime pas moins de 9 hectares de surface de pistes de ski. Mais Nicolas Provendie, directeur général de la Société d’aménagement de la station de La Plagne, explique comment la décision s’est imposée et comment elle est mise en œuvre par cette station qui entend rester dans la cour des grandes.
Quel est exactement ce projet de recul du domaine skiable par rapport aux glaciers ?
Lors de l’aménagement des glaciers de Bellecôte et de La Chiaupe (Ndlr : dans les années 1970), l’accès avait été prévu par une télécabine et deux télésièges. Or cette zone glaciaire, comme les autres, subit aujourd’hui une fonte assez importante due au réchauffement climatique. Depuis que je suis arrivé à La Plagne, il y a dix ans, son volume a au moins été divisé par quatre et, d’ici quelques années, ces glaciers n’en auront plus que le nom.
Du fait d’un attachement historique à cet emplacement exploité depuis 50 ans, nous nous sommes posé la question du maintien des aménagements. Mais nous nous sommes demandé aussi à quel prix ce serait. La réponse est que cela impliquerait des moyens colossaux, chaque année, car du fait de la fonte du permafrost, les pylônes bougent. Ce maintien ne serait donc pas impossible, mais nous avons jugé collectivement qu’il était déraisonnable, car il présentait le risque d’un coût trop élevé. Ceci d’autant que nous ne pouvons même pas le chiffrer précisément, tant l’évolution des sols est rapide. Il y a encore quelques jours, mi-octobre, un éboulement dans une zone annexe est venu confirmer notre choix.
En quoi consiste concrètement le chantier ?
L’été prochain, nous allons déséquiper le secteur glaciaire, c’est-à-dire enlever les pylônes, câbles et bâtiments de la télécabine et des deux télésièges. En parallèle, nous construisons une nouvelle télécabine dont l’axe sera différent : son point d’arrivée (à un peu plus de 3000 mètres d’altitude) sera plus à gauche, lorsqu’on regarde les glaciers, sur du rocher sain et stable, qui plus est sur une emprise déjà aménagée (actuellement en piste). Enfin, dernier avantage, le secteur glaciaire étant plus long à sécuriser dans le cadre de la prévention des avalanches, nous aurons des ouvertures plus faciles et rapides.
Tout ceci nous permettra de maintenir un niveau raisonnable de coûts, tout en permettant au public de continuer à avoir une expérience de la haute altitude. Chaque hiver, nous accueillons en moyenne 2,5 millions de skieurs, dont 20 à 25% montent jusqu’au sommet de la station.
Quelle concertation a précédé cette décision et quels acteurs sont les plus réticents ?
Nous dépendons d’un syndicat intercommunal (celui de La Grande Plagne, Ndlr). Depuis 4 ans que ce projet est à l’étude, les concertations ont donc été multiples notamment avec les élus. De manière classique, il y a également eu une étude d’impact, après notre dépôt du permis de construire, et il y a eu pas mal d’observations. Beaucoup plutôt favorables au projet et d’autres moins.
Bien sûr, ce n’est pas évident de prime abord, mais nous avons fait beaucoup de pédagogie pour expliquer les raisons de ce choix. Les discussions ont surtout eu lieu avec les skieurs locaux, car cela modifie l’accès à des itinéraires hors-pistes, qui nécessiteront désormais une marche d’approche un peu longue. Mais cet été, certains de ces guides et moniteurs ont pris la télécabine pour monter voir le recul glaciaire par eux-mêmes et se faire un avis. Beaucoup ont alors compris les enjeux.
Avez-vous par ailleurs déjà réduit le ski d’été et développé des activités « 4 saisons » ?
À La Plagne, il n’y a déjà plus de ski d’été depuis 2003, donc depuis 20 ans. Cela n’a pas suffi à protéger les glaciers. Quant à cette notion de « 4 saisons », elle est assez floue, pour moi. Nous avons une vraie saison d’hiver et nous développons l’axe estival de juin à septembre. Mais entre ces deux périodes, l’activité est très réduite pour la simple raison qu’il n’y a pas ou peu de commerces.
Il est illusoire de vouloir développer une activité en station d’altitude alors que ceux-ci n’ouvrent pas hors des vacances scolaires, tout comme les opérateurs d’hébergements. Nos stations-villages de Champagny ou Montalbert accueillent du public toute l’année, elles, mais parce qu’elles vivent toute l’année avec les locaux.