Gironde : dans les écoles de Bègles, une expérience pionnière pour l’inclusion des élèves en difficulté
Maïmouna Diallo, « coordinatrice inclusion » à la Ville de Bègles, avec Sylvain Augonnet, directeur adjoint du nouveau service « continuité éducative ». © Crédit photo : D. B.

Par Daniel Bozec – d.bozec@sudouest.fr

La Ville de Bègles s’est dotée d’une coordinatrice chargée d’accompagner les enfants en difficulté, avant même l’établissement d’un éventuel diagnostic, de la crèche à l’école

Elle jette un œil à un petit garçon de l’école Paul-Vaillant-Couturier qui ne tient pas en place à la cantine et aura le plus grand mal à trouver le sommeil, à l’heure de la sieste, sans les bras d’un adulte. « Beaucoup de pleurs, pas de concentration ou de compréhension des règles, des besoins spécifiques, ce sont des signaux qui nous alertent », énumère doucement Maïmouna Diallo, « coordinatrice inclusion » à la Ville de Bègles.

Un poste inédit, créé il y a quelques mois, pour mieux répondre au défi de l’école inclusive, vaste programme qui ambitionne d’assurer la scolarisation des élèves en situation de handicap, en classe mais aussi lors des activités périscolaires dont l’organisation quotidienne incombe aux communes. Problématique que la Ville de Bègles, comme d’autres, abordait sous l’angle des effectifs de personnel, en affectant au besoin un animateur supplémentaire.

La mesure sera effective à partir de la rentrée scolaire 2023 et concerne 132 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap

« Renverser l’approche »

« Ça paraissait une difficulté, on parlait surtout de moyens humains à déployer », convient Sylvain Augonnet, directeur général adjoint du service municipal « continuité éducative ». « Plutôt que mettre un adulte supplémentaire derrière chaque enfant, le but est de former nos équipes à identifier la différence, à faire en sorte que l’accueil de ces enfants devienne quelque chose d’ordinaire. On va renverser l’approche, et ça sert à d’autres enfants, chacun ayant ses besoins et ses compétences », poursuit-il.

Face à un enfant en difficulté, « on parlait surtout de moyens humains à déployer »

Et l’appellation « continuité éducative », elle aussi nouvelle, est moins ronflante qu’il n’y paraît : il s’agit ici de suivre les enfants dès l’entrée en crèche, le service de la petite enfance étant d’ordinaire rattaché à l’action sociale, pour mieux les accompagner à l’école. Passée par diverses directions, centre de loisirs, crèche ou encore centre social, Maïmouna Diallo s’y attelle, multipliant les passerelles.

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Depuis la mi-septembre, une Unité d’enseignement maternelle autisme (UEMA) a été créée à l’école de La Charmille. Trois enfants y sont accueillis

Lien avec les parents

Elle ne prétend évidemment pas établir un diagnostic et insiste, tout ce travail ne peut être mené qu’en concertation avec les différents partenaires, des enseignants à la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH). « Et j’ai la chance de travailler avec des équipes attentionnées et bienveillantes », poursuit Maïmouna Diallo. Surtout, c’est elle qui fait le lien avec les familles. Une approche ô combien délicate, un travail de dentelle, entre les parents qui demandent de l’aide ou, au contraire, se ferment, apparaissent d’abord « dans le déni » ou assurent que « tout va bien à la maison ».

« Il faut accepter la temporalité des parents. Le chemin se fait petit à petit quand la confiance s’instaure. » Et Maïmouna Diallo d’encourager, au passage, ces parents à « sortir avec leurs enfants » : « L’enfant a besoin de faire des choses, de vivre des expériences avec les parents. » « On imagine le contexte dans lequel se trouvent les familles, émotionnellement, c’est important d’avoir de l’humain », plaide Vincent Boivinet, adjoint au maire en charge de l’éducation.

La fédération des établissements hospitaliers d’aide à la personne tient son congrès annuel, ces mercredi 16 et jeudi 17 novembre à Bordeaux. Plus de 2 000 participants sont attendus

Porte-clés à images

« Au choc psychologique s’ajoutent des lourdeurs administratives », poursuit l’élu PC, des diagnostics pouvant être établis « au bout de deux-trois ans d’instruction » : « Entre-temps, il n’y a pas d’accompagnement institutionnel… On a jugé opportun de travailler à un recrutement spécifique. » D’autant plus au sortir des confinements, sources manifestes d’une « recrudescence » de troubles du comportement dans les rangs des jeunes écoliers, remarquent de façon empirique Sylvain Augonnet et Maïmouna Diallo. Au-delà des constats, de l’ambition de formation et du rôle d’interface assigné à cette dernière, des changements sont déjà à l’œuvre dans les écoles.

Simplissimes mais précieux, à l’image de ces petits porte-clés à images représentant un lavabo, des toilettes, ou encore le réfectoire. Ils sont remis à certains enfants qui n’ont plus qu’à montrer du doigt une des illustrations. Ou encore l’aménagement de « lieux de répit » dans les écoles maternelles – quatre sur sept en sont déjà dotés. Une pièce décorée, comme à Paul-Vaillant-Couturier, « où ils peuvent se reposer, se ressourcer, s’apaiser », notamment sous un tipi et dans une ambiance tamisée, à l’écart du brouhaha d’une cour d’école ou autre.

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Déjà, les communes voisines se montrent intéressées par l’expérience. « La collectivité locale, c’est la solution, on a la proximité du terrain et on peut travailler dans la finesse des situations particulières », plaide encore l’adjoint Vincent Boivinet. À ce jour, dans les 13 écoles de Bègles, 60 enfants se voient notifier un accompagnement par la MDPH.

SUD-OUEST : dans les écoles de Bègles, une expérience pionnière pour l’inclusion des élèves en difficulté