Alors qu’il est question d’un approfondissement de la décentralisation des politiques du logement, les élus présents à l’atelier logement organisé lors du congrès des maires, le 24 novembre, ont fait part de leurs grandes difficultés à agir en la matière avec les outils actuellement à leurs disposition.

« Aujourd’hui l’acte de construire n’est pas porté de façon positive au niveau, ce qui nous met localement dans des situations difficiles ». Thierry Repentin, maire de Chambery qui co-présidait l’atelier logement organisé au Congrès des maires, n’y est pas allé de main morte.
Le président de l’Agence nationale de l’habitat, ex délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, est revenu plusieurs fois sur l’impuissance des maires et la responsabilité de l’Etat.
« L’Etat donne la responsabilité de la mise en oeuvre des politiques du logement au maire, sans lui donner les outils. Nos concitoyens ne savent pas qui est responsable en la matière, et c’est un avantage pour l’Etat ».

Plusieurs élus se sont succédé pour expliquer les spécificités de leurs difficultés. Jacqueline Belhomme Dupont, maire de Malakoff (Hauts-de-Seine), a évoqué la charte signée avec les promoteurs pour encadrer les prix des programmes immobiliers : « Nous avons signé cette charte avec 50 promoteurs, pour fixer des normes de qualité, et limiter à 6500 euros le m2 le prix de sortie des programmes. Mais ce document n’est pas opposable, il repose sur la discussion avec les promoteurs. Ils savent que s’ils ne respectent pas leur engagement, par la suite on ne retravaillera plus avec eux », résume-t-elle.

Foncier trop cher

Agnès Thouvenot, première adjointe au maire de Villeurbanne en charge de l’habitat insiste, elle, sur la difficulté de construire dans un territoire tendu comme le sien :  » On a une volonté claire de construire du logement, les besoins des habitants sont là. Mais on ne peut pas construire à n’importe quel prix. Les prix du foncier sont tels que les produits qui sortent sont déconnectés des moyens des accédants à la propriété, et des locataires. Les bailleurs sociaux sont obligés d’acheter aux promoteurs des logements en VEFA à des prix élevés. Ils produisent beaucoup trop de logements PLS aux loyers trop élevés, et de plus en plus de logements-résidences. Certes on en a besoin, mais on a aussi besoin de logements familiaux classiques ».

Villeurbanne mise ainsi sur les logements en bail réel solidaire (BRS) – qui dissocient la propriété du terrain et des logements et permettent donc des prix de sortie plus accessibles aux ménages. Mais « les prix du foncier empêchent toujours d’industrialiser la production en BRS », regrette Agnès Thouvenot, qui réclame des outils de régulation des coûts du foncier.

Décentraliser, la solution miracle ?

En amont du Congrès des maires, le président de la république a évoqué un nouveau volet de décentralisation, qui comprendrait notamment le logement. Mais pour Isabelle Le Calennec, maire de Vitré, c’est surtout de différenciation dont ont besoin les élus.
« Il faut un cadre national, lisible, simple. Et plutôt que de décentralisation, je pense qu’on a besoin de différenciation : on voit bien qu’on ne vit absolument pas les mêmes réalités selon les territoires ».

Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, a renchéri :  » Décentraliser les politiques du logement, j’y suis favorable, mais pour faire quoi ? Pour  que l’Etat se débarrasse du fardeau, ou pour faire mieux ? Décentraliser pour ne pas être responsable des échecs ? La décentralisation sans une régulation nationale, ça ne marchera pas ».

Le ministre du logement Olivier Klein, présent face aux élus, a répété son mantra : « la construction du parcours résidentiel ». « Ma force, c’est de ne jamais oublier mon parcours d’élu local. Je perçois toutes les contraintes auxquelles vous devez faire face, a-t-il déclaré. Il faut construire plus pour loger plus, là ou on en a besoin, et construire de façon écologique. Il faut conserver un prêt à taux zéro pour les primo-accédants, mais le temps n’est plus aux niches fiscales », a-t-il ajouté en référence à l’extinction programmée du dispositif Pinel.

Enfin sur le sujet de la décentralisation, Olivier Klein défend une ligne de conduite :  » En quoi un nouvel acte de décentralisation permet de répondre aux besoins ? Est-ce utile aux habitants pour trouver plus rapidement et facilement un logement ? »

Le conseil national de la refondation du logement sera lancé le 28 novembre, il s’étalera sur trois mois, et le sujet de la décentralisation devrait revenir régulièrement dans les débats.

Des élus démunis face à la crise du logement… et des pistes pour en sortir