FRANCE 3 : La Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027 est entrée en vigueur le 1er janvier. Le gouvernement y a durci les conditions d’accès aux aides visant à accompagner la transition écologique. Ces nouvelles règles réalisent l’exploit d’être contestées à la fois par la FNSEA et par la Confédération paysanne.
La Politique agricole commune de l’Union européenne (PAC) représente 387 milliards d’euros de budget sur 5 ans, dont 45 milliards pour la France. Mais pour quel type d’agriculture ? Afin de parvenir à 18 % de surfaces en culture bio d’ici 2027, la France va devoir investir 1,7 milliard d’euros, soit 340 millions par an, contre 250 aujourd’hui.
Ces chiffres, qui paraissent aller dans le sens d’une agriculture plus biologique, font grincer des dents chez les défenseurs historiques de celle-ci, puisqu’en parallèle, les « aides au maintien » sont, elles, supprimées. En quoi consistent donc ces « éco-régimes » destinés à reverdir la politique agricole française ?
Un processus compliqué
Pour en bénéficier, il faut considérer les pratiques sur trois types de surfaces, dès qu’elles représentent plus de 5 % de la SAU (Surface Agricole Utilisée) de l’exploitation : terre arable, prairie permanente et culture permanente. Trois voies d’accès ont été dessinées afin de toucher les éco-régimes.
La première, celle des pratiques agricoles, s’inspire du « paiement vert » : grandes cultures, prairies, etc. La deuxième passe par la certification HVE (Haute Valeur Environnementale), un label assez controversé créé par l’Etat en 2012, et enfin la troisième correspond à la bio-diversité : agriculture biologique, infrastructures agro-écologiques comme les haies, les mares…
La FNSEA vent debout
L’idée est d’inciter les agriculteurs à diversifier leur assolement, avec des céréales, du maïs, de la betterave, de la luzerne mais, selon Patrick Langlois, président de la FDSEA du Loiret, le carcan administratif est indigeste, avec un système à points très ardu à maîtriser : « On est content de ne pas avoir perdu au niveau des primes », débute-t-il, car la FNSEA déplore la perte de 50 euros par hectare sur les deux années précédentes.
« Mais quand nous avons découvert la façon de mettre cela en place, nous avons constaté qu’il faut un logiciel pour faire les calculs » constate le président de la FDSEA . « Par exemple, pour nous, les céréaliers, il faudra que l’on plante des tournesols, mais avec les oiseaux qui prennent les graines lorsque l’on sème, cela n’est pas très avantageux. En fait, c’est juste une remise en place des jachères. »
Un agriculteur en polyculture-élevage du Loir-et-Cher explique : « On va avoir un pourcentage de surface à atteindre pour tout ce que nous cultivons. En fonction du fait qu’on y parvienne ou non, on obtient des points.« Selon lui, beaucoup d’exploitants sont tentés de déléguer cette gestion « kafkaïenne » à la Chambre d’Agriculture, « alors qu’en fait chacun devrait voir cela en fonction de son exploitation, de son terroir.«
Par exemple, moi, si je libère 8 hectares d’une culture maraîchère pour mettre du colza à la place, j’obtiens les points nécessaires à cet éco-régime, ce qui est aberrant ! J’aimerais mieux comprendre cette mécanique pour faire des choix responsables !
Un effort pas assez ambitieux pour la Confédération paysanne
Pour la Confédération Paysanne, Laurence Marandola, secrétaire nationale, regrette que seuls 25 % des aides soient dédiées au « reverdissement » (contre 30 % avec le « paiement vert » auparavant). Certains états européens ont fait le choix de 40 %, la France en reste donc à l’effort minimum.
« Cela manque d’ambition ; on aurait pu rémunérer des pratiques qui rendent réellement des services à l’environnement. Ce n’est pas ‘laver plus vert que vert’ que nous voulions, mais garantir de pouvoir encore produire dans 10-20 ans ». Récemment, la Confédération Paysanne a obtenu une différenciation entre les labels HVE et Agriculture biologique (AB) : 30 euros de prime par hectare en plus pour l’agriculture biologique, soit 110 euros par hectare.
Une avancée qui ne compense malheureusement pas la disparition des aides au maintien en bio. Pour rappel, en France, plus du quart des exploitations bio ne bénéficie d’aucune subvention de la PAC. « La politique agricole continue à soutenir maïs et betterave au détriment des autres productions, et, avec les difficultés actuelles, c’est inadmissible« , déplore Laurence Marandola.
« Alors que la France importe toujours davantage de fruits et de légumes pour sa consommation que ce que l’on produit localement, il n’y a toujours pas d’aides pour ceux-ci dans la nouvelle PAC. Les déséquilibres sont maintenus », précise la secrétaire Nationale de la Confédération Paysanne.
Pour aider ses adhérents à faire face à la complexité des calculs, la FNSEA a créé des tableurs permettant de simuler les aides. Du côté de la Confédération Paysanne, des formations seront organisées dans une soixantaine de départements, dont l’Indre le 4 avril prochain.