La chute est vertigineuse. En l’espace d’à peine une décennie, le volume du courrier a été divisé par deux, le nombre de lettres urgentes par dix. L’explosion des mails oblige La Poste à revoir tous ses plans. L’entreprise publique doit-elle, pour autant, basculer du côté de chez Kafka ?
En lieu et place des lettres affranchies avec le mythique timbre rouge à l’effigie de Marianne, l’usager, pardon, le client, aura à rédiger un courriel qui sera imprimé par le facteur… Une usine à gaz qui creusera un peu plus la fracture numérique. Les tournées des facteurs, elles, seront réduites à la portion congrue. La Poste a beau jurer le contraire, toutes ses expérimentations vont dans ce sens.
36 000 clochers
C’est la fin d’un monde. Au même titre que le garde champêtre, l’instituteur ou le secrétaire de mairie, le facteur incarnait le service public dans la France des 36 000 clochers. Il personnifiait, comme dans « Jour de fête » de Jacques Tati, cette République au village qui savait prendre le train de la modernité.
Le service public postal se voulait le même pour tous, des beaux quartiers de la capitale au fin fond des campagnes. Des édiles cherchent à maintenir la flamme. Financées par les municipalités, les agences postales communales sont là pour en témoigner. Elles ont vocation à servir de porte d’entrée aux citoyens des campagnes vers les arcanes de l’administration.
Restructurations
Mais ces « points de contact », pour reprendre le jargon de La Poste, bénéficieront-ils d’un soutien accru des pouvoirs publics ? C’est tout l’enjeu du contrat de présence postale pour les années 2023-2025. L’Etat, les représentants de l’Association des maires de France et les dirigeants de l’entreprise publique sont rodés à l’exercice.
La négociation se déroule dans une atmosphère feutrée. Elle s’annonce cependant serrée, tant elle met en jeu une certaine idée du service public. Une conception mise à mal par les restructurations qui affectent La Poste, comme les autres grands opérateurs de service public avant elle.