Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires vient de publier le 17 janvier un plan d’actions sur les perfluorés (PFAS), substances chimiques très toxiques qui menacent notamment la qualité de l’eau potable. Ce plan renforce leur surveillance, mais n’impose aucune nouvelle norme de rejets.
« Polluants éternels », c’est le nom donné à juste titre à ces PFAS (per et polyfluoroalkylées), car ces substances d’origine anthropique sont les plus persistantes connues à ce jour. Les PFAS sont extrêmement toxiques, mêmes à très faibles doses (voir encadré). Ils ont défrayé la chronique en 2022 lorsqu’une enquête des journalistes de « Vert de rage » a révélé des niveaux alarmants dans l’eau potable (mais aussi dans l’air, le sol et le lait maternel) à Pierre-Bénite, au sud de l’agglomération lyonnaise (Rhône), où sont présentes de nombreuses industries chimiques (dont Arkema et Daikin).
Aucune nouvelle norme imposée
Sur le plan juridique, la directive eau potable de 2020 fixe une limite de qualité à 0,1 µg/L pour la somme de 20 molécules de PFAS, mais seulement à partir de janvier 2026. Concernant les eaux de surface (rivières), le projet de révision de la directive cadre sur l’eau (DCE) d’octobre dernier prévoit que 24 PFAS devront faire l’objet d’une surveillance obligatoire pour atteindre le « bon état chimique » des eaux. Au niveau national, l’arrêté du 22 avril 2022 demande le suivi de seulement 5 PFAS avec une limite de quantification fixée à 2 ng/L.
Le nouveau plan du gouvernement prévoit d’«imposer aux sites relevant de secteurs d’activités qui sont certainement forts émetteurs de PFAS (fabrication de mousse anti-incendie, de poêles anti-adhésives, etc.) de mener une analyse de la présence de PFAS dans leurs rejets. Un projet d’arrêté ministériel au titre des installations classées sera préparé début 2023 pour mener une campagne type RSDE (recherche substances dangereuses dans l’eau) sur les effluents des ICPE potentiellement les plus concernées par ces substances. » Ces résultats devraient permettre d’«informer les captages d’eau potable en aval ».
Au mieux, les collectivités seront donc informées de la présence de ces polluants, très difficiles, voire impossible, à éliminer de l’eau. Aucune norme de rejets n’est imposée.
Sur les eaux brutes, le gouvernement demande à l’Anses de fixer des valeurs maximales de concentration dans les milieux, notamment aquatiques. Rien de nouveau car ces normes sont déjà proposées dans la révision de la DCE.
Concernant la gestion des déchets contaminés par les PFAS, « il sera étudié l’opportunité de sortir les déchets réputés contaminés par les PFAS des filières de recyclage et de limiter l’acceptation de ces déchets aux seules installations adaptées ». Le « site Arkema de Pierre-Bénite dans le Rhône sera préfigurateur de cette démarche d’identification et de diminution des rejets de PFAS » indique le plan.
« Pratiquement aucune mesure visant à la réduction des émissions n’est proposée dans ce plan » regrette de son côté l’ONG Générations Futures.
Surveillance un peu renforcée
Concernant l’eau potable, le plan indique seulement que les agences régionales de la santé (ARS) « ont la possibilité de compléter le contrôle sanitaire » ; il demande que les acteurs, notamment les collectivités, partagent leurs données. Mais rien n’est obligatoire. Générations Futures aurait souhaité que cette obligation de surveillance soit avancée avant la date butoir de 2026. « Rien sur la surveillance de l’exposition des poissons aux PFAS, alors qu’il s’agit là d’une voie d’exposition très importante pour une partie de la population. Rien également sur les méthodes d’analyse et leur sensibilité à employer pour réaliser cette surveillance » déplore l’association.
Quant à la pollution des sols, le plan prévoit que « l’imprégnation des sols en PFAS sera investiguée systématiquement », mais seulement lors « des cessations d’activités des installations industrielles ». Est-ce que cela signifie qu’il n’y aura aucun contrôle en période d’activité ?
Côté épidémiologie, la surveillance de l’imprégnation de la population française va se poursuive. Une nouvelle enquête nationale de biosurveillance, nommée Albane, est annoncée pour cette année. A noter que la précédente enquête (Esteban), en 2019, avait déjà montré une contamination générale de la population.
Enfin, le gouvernement annonce que ces actions seront intégrées dans le 3ème plan micropolluants prévu pour la fin du premier trimestre.
Interdiction européenne
Comme la meilleure prévention se fait en amont, le gouvernement s’engage à soutenir l’interdiction des PFAS demandée par 5 pays (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède et Norvège) au niveau européen. Cette proposition sera publiée le 7 février. « Tous les espoirs d’une réduction de la pollution à la source reposent sur la proposition de restriction au niveau européen » affirme François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. Car « le plan actuel ne contraint pas les industriels à limiter leurs rejets de PFAS » regrette-t-il.
Côté information, un rapport de la mission d’inspection générale sur « l’analyse des risques de présence de PFAS dans l’environnement » devrait être publié en février prochain. Il doit permettre d’identifier les principaux sites industriels émetteurs. Ce rapport répond à la loi Climat et résilience, qui dispose que le gouvernement doit remette au Parlement un rapport sur la pollution des eaux et des sols par ces substances au plus tard en août prochain.
Enfin, côté finance, aucun budget spécifique n’est annoncé. Aucun nouveau moyen financier supplémentaire n’est fléché pour réaliser par exemple la surveillance de ces substances par l’Office français de la biodiversité (OFB) ou pour développer la police de l’environnement et des ICPE.
Focus
Grande toxicité
Ces perfluorés aux propriétés antiadhésives et hydrofuges, utilisés dans les vêtements imperméables ou les emballages alimentaires, ont contaminé tous les milieux : eaux, sols, air, sédiments, organismes vivants. Des PFAS ont également la capacité de s’accumuler dans les organismes vivants, notamment les poissons, et risquent ainsi de contaminer les aliments provenant de la mer. Des études scientifiques ont associé l’exposition à un certain nombre de PFAS à de très multiples effets néfastes sur la santé : des cancers, des effets sur les systèmes reproductif et hormonal (certains sont des perturbateurs endocriniens), ainsi que sur le système immunitaire. La décontamination des milieux pollués étant techniquement très difficile et coûteuse, certains PFAS émis aujourd’hui pourraient encore être présents dans l’environnement dans un siècle.
La pollution des eaux de surface par les PFAS constitue donc une menace importante pour les écosystèmes, mais aussi pour la santé humaine, cette pollution pouvant conduire à la contamination de la chaine alimentaire et de l’eau potable. L’EFSA a défini une valeur d’exposition hebdomadaire à 4,4 ng/kg de poids corporel.