Philippe Bihouix, Sophie Jeantet & Clémence de Selva
Notes de lecture de Loan Diaz, Cabinet du président du Conseil départemental de la Gironde JL Gleyse.
« Parler de ‘’ville stationnaire’’ dans un monde en croissance […] peut sembler étrange. Mais n’est-il pas encore plus étrange de croire que le destin des villes sera de croître indéfiniment ? »
Philippe Bihouix, p.9
Le constat de la croissance immodérée des villes est posé d’entrée de jeu, avec ce chiffre à l’appui : « le taux d’urbanisation mondial, actuellement de 55%, pourrait passer selon l’ONU à 68% en 2050 » (p.9-10) sous l’effet de l’étalement urbain notamment.
Tout débute avec la « densification des villes [qui] n’a sans doute pas apporté les bénéfices environnementaux escomptés » (chapitre 1), ce qui nous amène à considérer les « inconvénients et les vulnérabilités d’une concentration humaine trop grande […] face aux crises sanitaires [et] d’autres crises à venir [comme le] changement climatique » (chap. 2). Vient alors le moment de battre en brèche l’idée du « numérique au service de l’optimalisation et de l’efficacité » des villes dont les applications restent « bien ténues », « complexes à déployer et généraliser, eu égard à l’urgence climatique » et surtout insuffisantes car « même ‘’renaturées’’, les métropoles ne seront jamais ni neutres (en carbone), ni ‘’vertes’’ » (chap. 3).
Alors que faire ? L’écoconstruction est une voie prometteuse, même si nous « n’avons pas, et de loin, accès aux volumes nécessaires de ressources si tous les bâtiments devenaient ‘’biosourcés’’ », des solutions réalisables sont d’ores et déjà mises en œuvre (chap. 4). La question de la « vraie résilience » comme « processus de réforme profonde de nos modes de vie, de nos institutions et de notre fonctionnement économique » se pose alors (chap. 5).
Ainsi, aux affres de la métropolisation, voire à la « mégapolisation » et aux tenants d’une « technologisation accrue » (p.14) qui la vantent (et la vendent) comme l’unique solution ; l’auteur répond par l’éloge de l’état stationnaire, qui « ne veut pas dire figer la ville, zéro artificialisation ne veut pas dire zéro construction » (p.15), mais plutôt repenser ses conditions d’épanouissement en « cessant de dévorer l’espace autour d’elle » (p.16 & chap. 6-7).
Il tire son concept de ville stationnaire de l’imaginaire de la stationnarité au sens de John Stuart Mill qui l’a développé en économie comme « une économie libérée de l’injonction à la croissance, une économie post-croissance, un état stable » (p.16), avant que Ricardo introduise le concept même d’état stationnaire (steady state) suppose « la baisse des profits et des investissements, liée à la rente injustement prélevée par les propriétaires terriens » (p.16).
Dense à l’image des villes qu’il décrit, cet ouvrage a le mérite d’apporter un panorama pluridisciplinaire (historique, juridique, sociologique et technique), dans lequel il ne se limite pas au constat. Entre déconstruction des mythes urbains et des promesses du progrès, Philippe Bihouix n’en oublie pas de proposer des pistes de solutions, sans jamais tomber dans la prétention qu’elles soient l’alpha et l’oméga de la réponse à apporter. En voici quelques-unes qu’il développe, dans le « périmètre français », car c’est celui sur « lequel nous pouvons, collectivement décider d’agir » (p.10) :
- Réhabiliter et réparer les villes ;
- Les rendre adaptables ;
- « Lutter contre l’obsolescence des lieux » ;
- « Se préparer aux profonds changements »
- Reterritorialiser « certaines fonctions productives »
- Développer de « nouveaux usages et modes de consommation »…
Loin d’une logique de tabula rasa, il enjoint à « faire avec l’existant, pendre soin et transmettre notre héritage urbain, tout comme notre héritage naturel et culturel » (chap. 8) en soulignant que « les villes ne pourront réussir seules » (p.18). Il faudra que les métropolesessaiment et que la puissance publique favorise et accompagne « une nouvelle décentralisation, une redistribution […] de la population […] des activités économiques vers les villes moyennes, les bourges, les villages et les campagnes » (chap. 9)
« Saurons-nous nous ‘’contenter’’ d’un état stationnaire » ? Au terme de l’ouvrage, la question reste entière, mais ce dont il parvient à nous convaincre, c’est que cet état, loin d’être une fatalité, est d’abord un acte de soin et de fait, un état désirable, contrairement à celui dans lequel nous vivons aujourd’hui…et hier déjà comme l’écrivait J. S. Mill il y a cent soixante-dix ans :
« J’avoue que je ne suis pas enchanté de l’idéal de vie que nous présentent ceux qui croient que l’état normal de l’homme est […] cette mêlée où l’on se foule aux pieds […] qui est le type de la société actuelle […] au lieu d’être simplement une des phases désagréables du progrès industriel.
Il n’y a pas grand plaisir à considérer un monde où il ne resterait rien de livré à l’activité spontanée de la nature […]. Si la terre doit perdre une grande partie de l’agrément […] pour nourrir une population plus considérable, mais qui ne serait ni meilleure, ni plus heureux, j’espère […] qu’elle se contentera de l’état stationnaire longtemps avant d’y être forcée par la nécessité[1]. »
- La ville dense n’est pas écologique
p.31
« Nous ne disons pas que la construction d’immeubles d’habitations isolés, de grande hauteur, a été systématiquement une erreur […]. Simplement, à l’heure où la question de l’étalement urbain devient prégnante, […] considérer les différentes façons de construire avec densité et particulièrement important. »
p.35
« On n’a donc pas ‘’fait’’ (administrativement) les villes-métropoles pour les rendre denses et écologiques. Leur vocation compétitive et économique est d’ailleurs régulièrement rappelée, comme dans le pacte Etat-métropoles de juillet 2016 » :
- « permettre aux métropoles d’affronter la concurrence entre métropoles mondiales »
- « favoriser leur rôle de locomotive de l’économie nationale »
- « Economiquement fortes, les métropoles sont socialement fragiles »
p.47-48
« Densifier en maillant un territoire déjà couvert de maisons individuelles ou de friches avec du ‘’petit collectif’’ est sans doute plus efficace que de lotir de nouvelles zones pavillonnaires. Mais densifier en couvrant des voies ferroviaires ou un boulevard périphérique avec des dalles en béton […] ou en déplafonnant la hauteur des immeubles […] cela fait probablement de beaux projets immobiliers, et une manière de rentabiliser un coût foncier […] mais certainement pas une manière ‘’verte’’ de construire »
p.48
« Passée une certaine hauteur (5,6,7 étages ? Peut-être les 6 étages haussmanniens, justement… ou peut-être un peu lus dans le cadre de la constrction en bois), un immeuble ne peut pas être ‘’écologique’’ »
p.49
« Certes, les ménages de l’hyper-centre sont dans l’absolu moins ‘’consommateurs de mètres carrés’’ pour leur habitat et les fonctions immédiates liées à leurs activités sociales. Mais il faut bien installer quelque part les ‘’espaces servants’’ de la ville, techniques, logistiques, commerciaux, industriels, culturels, qui sont déportés à l’extérieur de la ville dense et conquièrent son « arrière-pays’’ »
« Les citoyens hyper-urbains prennent peu de place mais mobilisent des mètres carrés à l’extérieur par leur profil de consommation », ainsi « densification et étalement ne sont pas contradictoires : dans les métropoles, on densifie et on étale à la fois »
*
p.54
« S’il y a bien un ‘’écosystème urbain’’ […] la ville efface certaines fonctionnalités écologiques. Son fonctionnement est déséquilibré […] la densification dégrade et efface progressivement les ‘’restes’’ des fonctionnalités naturelles. »
p.55
« le développement des villes n’est pas, tant s’en faut, l’unique cause de l’érosion de la biodiversité. »
« Les villes […] constituent des ruptures dans le ‘’continuum’’ écologique ; mais ce sont aussi les grandes infrastructures, routes goudronnées en premier lieu, voies ferrées, carrières, barrages, etc. qui fragmentent toujours plus les milieux naturels. »
*
p.56
« A partir d’un certain seul […] plus l’aire urbaine est grande, plus les déplacements domicile-travail sont importants, et plus on y consacre de temps. […] L’efficacité des transports en commun ne compense pas les congestions routières ; et pour des questions économiques […] d’accession à la propriété, on habite de plus en plus loin »
p.57
« ‘’l’effet barbecue’’ : les habitants des pavillons resteraient (plus souvent) dans le jardin près de la planche le week-end […] donc moins tentés de fuir leur appartement le week-end pour respirer l’air de la campagne. », et donc moins pollueurs.
p.58
« ce serait une erreur de se laisser porter paresseusement par l’équation ‘’ville plus grande et plus dense = moins de voitures et plus de transport en commun = ville plus écologique »
« l’arbitrage en renaturation et densification promet des choix douloureux »« la métropole […] ne doit pas être l’horizon indépassable. Plus les villes seront grandes et/ou denses, plus leur métabolisme sera difficile à faire ‘’atterrir’ dans les limites compatibles avec la biosphère »
- De l’attractivité territoriale à la ville repoussoir
p.63
« le coût de la construction n’a progressé ‘’que’’ de 50% […], les prix des logements neufs et anciens ont augmenté de 110 à 120% »
p.65
« Censées être ‘’inclusives’’ et offrir une multitude de services et de fonctions mis en réseaux, les grandes agglomérations deviennent, de manière contradictoire, sélectives et inégalitaires, provoquant l’étalement urbain et générant des besoins de transport accrus qui vont se heurter aux capacités des infrastructures routières. »
p.66-67
« l’optimisation des procédés constructifs, nécessaires pour ‘’tenir les coûts’’ contribue à une ‘’standardisation’’ [qui va] effacer progressivement leurs identités territoriales. »
« Les maires et les élus […] se retrouvent devant une belle injonction contradictoire : […] tenir une place dans le palmarès des villes […] sécuriser leur électorat tout en garantissant […] le maintien d’une certaine qualité de vie. »
p.74
« Quel monde allons-nous laisser à nos enfants […] évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : ‘’A quels enfants allons-nous laisser le monde ?’’ » (Jaime Semprun)
- Les promesses délétères de la smart city
p.82-83
Définition de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés « La ville intelligente est un nouveau concept de développement urbain. Il s’agit d’améliorer la qualité de vie des citadins en rendant la ville plus adaptative et efficace, à l’aie de nouvelles technologies qui s’appuient sur un écosystème d’objets et de services »
- « on peine à trouver, dans cette définition, les références écologiques. L’ADN de la smart city, c’est […] la recherche d’efficacité […] de productivité […] et par là même de rentabilité »
p.97
« plus nous ‘’technologiserons’’ […] plus nous piocherons dans le stock limité de ressources […] au lieu de freiner, la logique ‘’extractiviste’’ actuelle. »
p.101
« Qui veut d’une smart city dont les données seraient stockées dans un cloud au Groenland (ou ailleurs), dont les logiciels d’IA seraient programmées de manière peu transparente par des multinationales californiennes (et sur la base de modèles économiques pas forcément orientés par le bien commun), exploitant des données récoltées par des capteurs et des réseaux fabriquées en Asie du Sud-Est, à partir de matériaux passant par une poignée d’usines monopolistiques et issus de trente pays différents, dont la moitié potentiellement instables politiquement ? »
4 L’écoconstruction, cache-sexe du business as usual ?
p.111
« Faire certifier un bâtiment a un coût […]. On construira donc ‘’vert’’ si on en a les moyens »
p.113
« Le tout récent label Bâtiment frugal bordelais, ‘’label de l’urbanisme résilient’’, est particulièrement intéressant [c’est] une démarche globale [de] recherche de mutualisation d’espaces, à l’utilisation de technologies ‘’douces et conviviales’’, à l’étude et l’optimisation des ressources mobilisées. »
« il y a une vraie course au label le plus simple et le moins onéreux à obtenir. »
*
p.121
« Le réemploi est une ‘’opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés à nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus’’, tandis que la réutilisation est une ‘’opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau.’’ »
p.133
« si son usage progresse, le bois reste le parent pauvre de la construction neuve en France, du moins pour la structure et l’enveloppe. »
p.137
« Si on voulait tout ‘’écoconstruire’’, tout en bâtissant autant qu’aujourd’hui […] les forêts […] ne pourraient sans doute pas fournir la moitié des besoins. »
« Bref, pour construire mieux, nous n’aurons pas d’autre choix que construire moins. »
*
p.141
La terre, un matériau prometteur car « réversible, c’est-à-dire réutilisable, sans perte de performance. […] La ressource locale est potentiellement très abondante. »
« en Bretagne, les 650 000 tonnes par an de terres réemployables permettraient de construire 6 500 logements, soit la moitié de la demande »
p.142
« Comment développer cette filière si prometteuse ? […] L’image est plutôt négative […] c’est potentiellement un marqueur de pauvreté. Le savoir-faire s’est perdu […] et les connaissances scientifiques sont encore insuffisantes pour répondre aux contraintes réglementaires et assurantielles »
p.142
« l’industrialisation est difficilement envisageable »
« Le rôle de soutien et de structuration de la filière par la puissance publique sera d’autant plus important […] par la formation, le soutien au lancement ou la mutation d’activité »
- Les réflexions embryonnaires du « monde d’après »
p.156-157
« L’ouvrage Principles for Building Resilience a par exemple identifié sept principes clefs, également repris par la Resilience Alliance, qui semblent faire plus ou moins consensus : 1) maintenir la diversité (des espèces, des paysages, des institutions […]) ; 2) gérer la connectivité (entre les habitats, zones protégées, rivières, marchés […]) ; 3) gérer les boucles de rétroaction et 4) promouvoir la réflexion systémique complexe […] ; 5) encourager l’apprentissage; 6) élargir la participation(citoyenne) et 7) promouvoir des systèmes de gouvernance polycentriques. »
p.159
Les 5 premières recommandations du Shift Project dont l’application est préalable à toute application approfondie de la résilience :
- « Commencer par ‘’ne rien faire de mal’’ ! c’est notamment cesser toutes les actions qui aggravent les vulnérabilités et les bouleversements écologiques »
- « Bâtir une administration territoriale au service de la transition écologique et de la résilience »
- « Améliorer la résilience alimentaire de son territoire »
- « Agir pour un urbanisme et un aménagement résilient de son territoire »
- « Renforcer la résilience économique de son territoire »
p.160-161
« 98% du contenu des aliments consommés localement sont importés [de l’extérieur du territoire]. […] 97% de l’agriculture locale […] finissent dans des produits alimentaires consommés à l’extérieur du territoire »
« ce que nous suggère la résilience alimentaire : mettre l’aménagement urbain au service des besoins en nourriture du territoire. »
p.163
Magali Reghezza-Zitt, géographe : « Derrière la résilience, il y a d’abord un choix politique […] : nos sociétés vont devoir réfléchir sur qui paye les coûts de la sécurité, comment on partage le fardeau qui est imposé par les menaces […]. La résilience replace au cœur du débat démocratique ces questions éthiques et ces questions politiques. »
p.170
« tous les sols sont vivants. Tout usage du sol lié à une activité humaine modifie avec plus ou moins d’intensité sa structure […] souvent, il altère cet écosystème. »
p.171
« S’il existe bel et bien une pression sur les écosystèmes, elle ne dépend qu’en partie de la question de l’artificialisation, et pour embrasser l’ensemble du sujet, il faut plutôt convoquer la notion d’espace anthropisé – soit à peu de chose près 100% du territoire pour un pays comme la France. L’artificialisation est […] un indicateur parmi d’autres »
p.172
« Sur les 54 millions d’hectares du territoire métropolitain, les sols artificialisés constituent un ‘’stock’’ de 5 millions d’hectares soit 9% du total […] Mais le sol est une ressource limitée, non renouvelable. »
p.179
« le flux financier lié aux terres agricoles artificialisées est du même ordre de grandeur que la totalité des revenus des agriculteurs. […] à l’échelle du pays, cela permet de doubler, et peut-être bien plus, les revenus agricoles ! »
p.180
Mais « imaginons que nous ayons installé un système plus ‘’collectif’’ […] qui considérerait la terre agricole comme un commun […] et que la plus-value réalisée soit captée par la puissance publique […] puis redistribuée plus équitablement pour soutenir la profession agricole. […] cette manne financière aurait une source bien peu durable ; mais elle pourrait être affectée, par exemple, à l’effort à mener dans la transition vers des pratiques agricoles plus soutenables. »
« La ZAN relève d’une logique de compensation […] notamment par un processus de renaturation. »
p.185
« L’efficacité des mesures compensatoires est d’ores et déjà très discutables, et les résultats du dispositif ERC [éviter, réduire, compenser] ne pourront être appréciés réellement qu’après plusieurs dizaines d’années, alors que la mise en œuvre effective démarre à peine. »
p.186
« le Code de l’environnement […] autorise à détruire maintenant, tandis que les mesures compensatoires qui dépendent d’un processus biologique plus long, prendront effet plus tard, sans garantie que cela fonctionne réellement et sans garantie de pérennité »
*
Jacques Weber, anthropologue et économiste : « La meilleure des compensations écologiques est celle qui n’a pas lieu d’être »
La ZAN pose trois questions :
p.210
« d’un point de vue législatif et réglementaire, un tel virage serait très simple à prendre – pensons [aux] lois Littoral et Montagne »
« sortir de la logique du ‘’tout-compensation’’, qui cautionne in fine un droit de faire, et systématiserait la logique d’évitement – la compensation devant rester la dernière des solutions envisageables. »
- Construire moins, accueillir mieux
p.217
« Construire moins, c’est donc d’abord faire avec l’existant, réinvestir et se partager les murs et les planchers dont on dispose déjà (parc de logements, parc de bureaux, équipements publics ou privés, locaux commerciaux ou d’activité), soit parce que ces bâtis sont inoccupés (vacances) soit parce qu’ils sont sous-occupés ou ne correspondent plus à l’usage pour lequel ils ont été conçus. »
p.257
« le processus de densification urbaine interagit puissamment avec le cadre urbain déjà installé […]. Il peut alors se heurter à l’acceptabilité du voisinage, a minima susciter des inquiétudes ou un ressenti négatif. […] De nombreux travaux se sont attachés à étudier les conditions d’acceptabilité de la densification […]. En fait, la densité n’a pas de valeur ensoi ; elle n’est pas recherchée pour elle-même mais pour ce qui lui est corrélé : elle est le résultat d’une forme d’attractivité exercée et d’’intensité’’ réalisée par les centralités. »
p.267
« si les considérations économiques peuvent rejoindre les intérêts écologiques (plus petite maison = plus faible impact, sans compter le sol potentiellement préservé d’un bétonnage de dalle…), tout le monde n’a pas envie d’habiter dans une tiny house […]. Ces habitats légers ou ultra-légers pourraient, en revanche, être envisagés de façon plus systématique (privilégiés ?) pour les constructions de résidences ‘’secondaires et occasionnelles’’ […]. Il est sans doute plus facile de convaincre (en partie) des gens de passer leurs congés[2] d’été dans une yourte ou un bungalow que d’y passer l’année entière… »
- Redistribuer à toutes les échelles
p.270
« Au lieu de construire des logements dans les zones où se trouvent déjà concentrés tous les emplois, pourquoi ne pas inverser la logique et travailler à créer des emplois, une dynamique, un cadre de vie, dans les territoires où se trouve déjà les logements ? »
- « dans les ‘’petites villes de demain’’, les bourges, les villages, mais aussi dans le ‘’périurbain de demain’’ ? »
- Une « vision de l’aménagement du territoire, tournée vers la réparation et le prendre-soin mais aussi vers les enjeux énergétiques et de transition »
p.273
« L’émigration reste une méthode éprouvée et efficace pour remédier à la surpopulation urbaine. »
p.278-279
« on a pu constater que le déploiement des infrastructures de transport (voies rapides, autoroutes, lignes à grande vitesse, aéroports) n’avait pas ‘’désenclavé’’ les territoires […] mais avait plutôt créé des phénomènes d’aspiration et contribué à la métropolisation plutôt qu’à un ‘’développement local’’ harmonieux. »
p.281
« l’essaimage sur le territoire a peu de chance de se faire là où sont les logements vacants et les opportunités de ‘’redensification douce’’ »
p.283
« 30% des communes n’ont jamais été aussi peuplées, mais 15% n’ont jamais été aussi peu peuplées depuis le recensement de 1876. »
p.283-284
« plusieurs plans nationaux sont en cours […] Action cœur de ville […] complété […] par le plan Petites villes de demain […]. Enfin une réforme interministérielle de ‘’démétropolisation’’ est en route »
- « consistant à relocaliser, hors des métropoles […] environ 6 000 emplois de l’administration centrale, d’ici 2027 […] ‘’pour redynamiser les territoires’’ et ‘’améliorer la qualité de vie des fonctionnaires d’Etat’’. […] nous restons interrogatifs sur cette ‘’administration du dernier kilomètre’’ ( ?) et prudents sur les objectifs exacts de toute ‘’réforme’’. »
« 6 000 emplois publics en six ou sept ans, soit, dans le meilleur des cas, de l’ordre de 1 000 logements par an qui pourraient être doucement ‘’réinvestis’’ dans des villes moyennes […], cela va dans le bon sens […] mais reste une goutte d’eau en comparaison du flux de centaines de milliers de logements qui seront mis en chantier chaque année dans les métropoles et leurs aires urbaines. »
p.285-286
« La puissance publique possède différents moyens d’action : pouvoir législatif et réglementaire, pouvoir économique, capacité d’exemplarité et d’entraînement. »
- « de la réécriture et de la validation successive des schémas directeurs régionaux, puis des SCoT […] puis des PLU […] la zéro artificialisation […] à inscrire dans les documents d’urbanisme »
- « les évolutions fiscales » ; « par les achats de produits et de services qu’ils effectuent, les cahiers des charges qu’ils émettent, les services de l’Etat, les collectivités territoriales et les entreprises publiques peuvent faire émerger, soutenir, favoriser des filières économiques. »
p.288-289
Aux antipodes des « métiers de demain » tout numérique, sans les balayer d’un revers de la main, il faudrait néanmoins revenir et développer d’abord « des métiers plus ‘’ancrés’’, qui devraient réclamer moins de déplacements et être plus centrés sur les campagnes que sur les villes, sur les (futurs) bassins de population que sur les lieux de croisement d’une industrie mondialisée. »
« L’enjeu d’une redistribution de la population sur le territoire », c’est donc :
- « une certaine ‘’démobilité’’ […] en rapprochant les zones d’emploi et d’activité des logements […] pour les mobilités actives, chemins, sentiers piétons, vélo-routes articulés à de petits réseaux ferrés »
- « un retournement des tendances historiques de la productivité […] pour faire muter notre système agricole vers des pratiques respectueuses du sol et du vivant […] relocaliser […] l’alimentation et de la production »
- « une reterritorialisation […] (pays, régions, voire ‘’biorégions’’), de certaines productions essentielles […] dans un objectif, entre autres, de plus grande résilience »
« ces efforts ne ‘’s’empilent’’ pas les uns sur les autres, bien au contraire, ils se nourrissent et se renforcent les uns les autres. »
Conclusion : vers la ville vertueuse
p.292
« construire moins […] facilitera le construire mieux et le rénover plus »
« tendre vers la zéro artificialisation brute est à terme incontournable »
« une (bonne) dose de relocalisation économique »
« repenser fortement la spatialité de nos organisations »
p.294-295
« Il va donc falloir agir dans la durée, et surtout, composer avec les ‘’coups’’ déjà partis […] le plus gigantesque reste […] celui du changement climatique ; le climat de 2030 ou de 2040 est déjà fait […]. L’autre grand coup parti […] la question démographique et sociale […] Comment imaginer des villes stationnaires avec une population continuant – indéfiniment ? – à croître ? »
p.297
mais « même à population stable: augmentation des surfaces par personne, des résidences secondaires, réduction de la taille moyenne des ménages, inadéquation des besoins, dans la taille, la forme ou la localisation des logements, vieillissement de la population… »
dans ce cas, faute de solution démographique, ce sont nos modes de vie qu’il faut changer car « la ‘’neutralité carbone’’, [est] très certainement incompatible avec les fondements du système économique actuel, qui réclame son lot de croissance »
p.298-299
Selon les scénarios et projections de l’Ademe et de l’association Négawatt, il faut « mener à une multiplication par vingt, pour se donner un ordre de grandeur, de la quantité de rénovations à réaliser chaque année. »
« cela devrait aussi nous inciter à redéployer les moyens de tout le secteur de la construction neuve sur la transformation, la réhabilitation et l’entretien, pour entrer dans l’âge de la maintenance[3] »
« Entretenir, c’est aussi l’occasion d’embellir, de réparer la ville », expression de Christine Leconte et Sylvain Grisot
p.300
« le plus important est d’avoir sous nos yeux un monde dont l’aspect ne nous fasse pas vomir. On doit pouvoir construire de belles maisons. Les générations qui nous ont précédés l’ont fait ; sommes-nous donc si imbéciles, si incapables, que nous ne sachions plus le faire », Jean Giono, Les Terrasses de l’île d’Elbe, NRF Gallimard, 1976, p.18.
« adapter leur métabolismes aux enjeux de demain […] ses rythmes […] sans renoncer aux bons côtés »
« La charte du mouvement international Cittaslow[4], ‘’le réseau des villes où il fait bon vivre’’, né en Italie en 1999 et méconnu en France […] est de ce point de vue inspirante »
p.301
« Pour les temps qui viennent […] Ne cherchons pas à les [villes] transformer en d’absurdes technotopies : si les cités réussissent à devenir réellement smart, ce ne sera que par l’intelligence collective de leurs habitants et des décisions qui auront été prises. Ne cherchons pas non plus à créer de nouvelles utopies urbaines […] Les villes idéales sont déjà là, ce sont celles que nous habitons. »
Annexe : sources pour mesurer l’artificialisation
[1] J.S. Mill, chapitre VI du volume II « De l’économie stationnaire », Principes d’économie politique, Guillaumin & Cie, 1854.
[2] Rappelons au passage qu’un tiers de la population ne part tout simplement pas en vacances… et pas par manque de lits d’accueil.
[3] Voir « Et si on arrêtait d’innover ? Bienvenue dans l’âge de la maintenance », Usbek & Rica, n°34, janvier 2022.