Au bidonville de Brazza, les enfants jouent en attendant d’être relogé. Selon le collectif Brazza, qui réunie association et riverains en soutien aux habitants, une vingtaine d’enfant n’a pas de solution si le camp est évacué. • © France Télévisions
FRANCE 3 : Depuis mi-avril 2023, les habitants du bidonville de Brazza vivent avec la peur de l’expulsion. La crainte que le campement soit évacué dans les prochains jours est d’autant plus forte que la grande majorité des 200 habitants ne s’est pas vu proposer de solution de relogement. Une situation dénoncée par les associations qui appellent la préfecture et la mairie de Bordeaux à faire davantage.
Entre les carcasses de véhicules et les poubelles, les enfants jouent. Au milieu des baraquements de bois et de taule, Ani, 20 ans, vit avec son enfant et son époux. « On attend pour un logement. C’est dur ici. Comme vous le voyez, tout cela, ce n’est pas normal« , dit-elle en montrant les abris du camp. Sur la rive droite de la Garonne, dans le quartier de Bastide, le quai de Brazza abrite au moins 200 personnes, pour la plupart bulgare, dans des conditions insalubres. Mais depuis mi-avril, les habitants du bidonville ont une épée de Damoclès sur leurs têtes : un avis d’expulsion. Alors que des rumeurs circulent sur une évacuation dans les prochains jours, habitants et associations alertent sur le manque de solutions de relogement.
Des solutions pour 70 personnes sur les 200 habitants du bidonville
« Pour le moment, on ne sait pas grand-chose sur la menace d’évacuation. Il y a des rumeurs qui circulent sur le campement. À chaque fois qu’un fourgon de police passe, ils se demandent si le jour n’est pas arrivé« , assure Thierry Marrot, bénévole au collectif Brazza. Ce riverain donne des cours de français aux adultes et apporte un soutien scolaire aux enfants. Avec la crainte d’une expulsion sans relogement, vient celle d’enlever les enfants de l’école, à seulement quelques semaines de la fin d’année scolaire. Les associations réunies au sein du collectif Brazza telles que Médecins du monde, Collectif Bienvenue, Réseau Éducation sans frontières, Association fondation étudiants pour la ville ou ATD quart monde ont demandé un sursis à la préfecture jusqu’aux vacances scolaires.
J’espère qu’on aura quelque chose pour sortir d’ici, parce qu’on n’a rien.Ani, habitante du bidonville
L’enfant d’Ani est dans ce cas-là. Scolarisé, si sa famille n’a pas de solution de relogement, il risque de ne plus pouvoir y assister. « La solution serait de nous louer quelque chose pour vivre, on est prêt à payer. On veut sortir d’ici, cela fait 3 mois que je suis ici et ça devient insupportable« , alerte-t-elle. Si quelques familles se sont vu offrir des solutions de relogement, c’est loin d’être le cas de toutes. « À l’heure actuelle, 200 personnes à peu près vivent sur ce site et 70 vont avoir des propositions de relogement. Ces propositions, ce sont 10 espaces temporaires d’insertion et 2 maisons mises à disposition par la métropole« , énumère Brigitte lopez, du collectif Brazza.
Les espaces temporaires d’insertion (ETI) sont des solutions portées par la Bordeaux Métropole. « Le système consiste à responsabiliser les familles qui sont hébergées provisoirement sur ce dispositif. Elles s’engagent dans le cadre d’un protocole qui leur permettra de s’acquitter d’une forme de loyer au regard de leur possibilité, de la mise en place d’une scolarisation des enfants, d’être sur une recherche d’emplois pour celles et ceux qui en ont la capacité. Et tout cela sur 2 ans parce que l’objectif, c’est effectivement d’emmener ces familles sur le régime universel« , détaille le vice-président chargé du logement à Bordeaux métropole et maire de Floirac, Jean-Jacques Puyobrau.
« Un verre d’eau dans l’océan des richesses collectives »
Problème : sur les 28 communes de la métropole, seules Bègles, Mérignac, Floirac et Bordeaux ont répondu positivement. « Le premier ETI que nous avons créé, c’était en 2019, se trouve être sur Bègles où nous hébergeons une vingtaine de familles« , précise Jean-Jacques Puyobrau. C’est également le seul pour le moment.
Si ces ETI doivent bientôt sortir de terre à Mérignac, Floirac et Bordeaux, à l’heure actuelle, la capacité manque. Et pour le collectif Brazza, tout le monde ne prend pas ses responsabilités. « Ces solutions viennent uniquement de la métropole. Pour le moment, ni la préfecture, ni la mairie de Bordeaux n’ont fait de propositions pour des solutions de logement« , dénonce Brigitte Lopez.
Les 70 personnes qui vont se voir proposer une solution de relogement sont pour la plupart des familles. Cependant, une vingtaine d’enfants risque de se trouver sans solution, selon le collectif Brazza. Sans compter les adultes, comme le soulève Brigitte Lopez : « Les 130 personnes restantes vont faire ce qu’elles ont déjà fait : le jour où les bulldozers vont arriver, elles vont s’implanter ailleurs, dans un autre bidonville, peut-être encore plus précaire. »
Au fil des jours et des rumeurs de démantèlement, la crainte s’amplifie. Le 27 avril dernier, le collectif Brazza a envoyé une lettre au préfet et au maire de Bordeaux afin de les inciter à trouver des solutions de logement. Un véritable appel est fait aux pouvoirs publics : « Dans la métropole la plus riche de France, reloger 150 personnes à la rue ne représente qu’un verre d’eau dans l’océan des richesses collectives. Reloger la trentaine de famille ne devrait donc poser aucun problème insurmontable. Nous vous demandons de parfaire l’effort engagé. » Sans cela, les associations craignent le pire.