https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/03/face-a-l-hegemonie-du-plastique-et-aux-impasses-du-recyclage-l-humanite-toujours-sans-solution_6187658_3234.html

Extraits de l’enquête : Rien ne semble pouvoir ralentir la croissance du marché des matériaux plastiques, dont le volume est appelé à tripler d’ici à 2060. Le recyclage est à la peine et aucun produit de substitution n’est encore à la hauteur des enjeux, laissant craindre une pollution durable de la planète.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/03/face-a-l-hegemonie-du-plastique-et-aux-impasses-du-recyclage-l-humanite-toujours-sans-solution_6187658_3234.html

« La matière plastique est très décriée, mais dans bien des cas elle ne peut pas être remplacée, souligne Luc Averous, professeur à l’Ecole européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg. Dans le bâtiment, elle diminue la facture énergétique quand elle est utilisée comme isolant thermique, et, pour les menuiseries, elle coûte deux fois moins cher que l’aluminium. » En comparaison avec le métal, justement, sa fabrication s’effectue à des températures beaucoup plus basses, autour de 200 °C, et émet donc moins de CO2. « Dans l’emballage, le plastique ne peut être remplacé par le papier que si l’on ajoute à celui-ci des polymères pour empêcher l’eau de pénétrer par l’extérieur et par l’intérieur. Dans le secteur biomédical, il est indispensable du fait de sa très faible densité. Aujourd’hui, les sutures, les implants, les adhésifs chirurgicaux sont tous fabriqués à partir de polymères », ajoute l’expert.

En France, seul le PET des bouteilles d’eau, de soda et d’une petite partie des bouteilles de lait peut actuellement retourner à son usage d’origine. Dans les faits, ces récipients ne sont recyclés qu’à 17 %, le reste devenant des textiles, des barquettes ou des mousses polyuréthanes pour l’isolation des bâtiments, comme le fait la société Soprema, à Strasbourg. Dans le secteur des emballages, qui représente 39 % du plastique consommé en Europe, le taux de recyclage dépasse à peine les 8 %. C’est encore pire dans les équipements électriques et électroniques (3,2 %) et dans l’automobile (2,9 %).

Auteurs d’un rapport qui avait fait du bruit en 2020 (« Pollution plastique : une bombe à retardement ? »), le député (groupe MoDem et indépendants) du Maine-et-Loire Philippe Bolo et la sénatrice (groupe Socialiste, écologiste et républicain) du Lot Angèle Préville ont publié, le 29 juin, une étude plus poussée sur le recyclage. Leur diagnostic corrobore celui des milieux académiques les plus pondérés : « Le recyclage ne peut pas permettre à l’industrie plastique d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il doit s’intégrer dans une stratégie plus large visant à réduire notre consommation de plastiques. »

Qu’il soit mécanique, comme les granulés qu’achète et revend la société Reciplast en Espagne – c’est d’ailleurs le cas de 99 % des plastiques recyclés aujourd’hui, d’après l’institut de recherche IFP Energies nouvelles –, ou qu’il soit chimique, au moyen de technologies en phase de test qui ne vont pas sans soulever de nombreuses interrogations quant à leur impact environnemental, le recyclage ne serait, pour les deux élus, qu’un « amortisseur temporel de la formation de déchets, sans permettre de les éviter ». Guillaume Delacroix

Face à l’hégémonie du plastique et aux impasses du recyclage, l’humanité toujours sans solution