Alors que le gouvernement n’a pas encore décidé de bâtir de nouveaux réacteurs, plusieurs lieux sont à l’étude chez l’énergéticien.
La décision n’est pas encore formellement prise, mais la discussion, mercredi 16 décembre, au conseil d’administration d’EDF, a bien avancé. Selon nos informations, la direction du groupe a proposé quatre sites pour les six nouveaux réacteurs qu’il souhaite pouvoir construire dans les quinze prochaines années. Tous ces sites sont ceux de centrales nucléaires déjà présentes, à proximité desquels existent des emplacements pour installer de nouveaux réacteurs.
Le premier site choisi devrait être celui de Penly (Seine-Maritime), qui compte déjà deux réacteurs en activité. Une orientation saluée par la Confédération générale du travail (CGT) du site, qui a évoqué, jeudi soir, dans un communiqué « une très bonne nouvelle pour la filière d’excellence qu’est le nucléaire. Cela permettra de faire perdurer le savoir-faire tout en créant des centaines d’emplois »
Le site de Penly avait déjà été envisagé à plusieurs reprises pour accueillir un réacteur européen à eau pressurisée (EPR). Cette idée avait notamment été avancée lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui avait plaidé pour le projet en 2009. Mais cette l’annonce avait fait long feu. Deux autres sites seraient à l’étude pour installer deux paires d’EPR dans le futur : la centrale nucléaire de Gravelines, dans les Hauts-de-France, qui est déjà le site nucléaire le plus important d’Europe. Et un autre en bord de Rhône, soit celui du Bugey (Ain), soit celui du Tricastin (Drôme), qui compte chacun déjà quatre réacteurs.
Etape cruciale
EDF ne confirme pas officiellement cette annonce, d’autant qu’aucune décision n’a été prise formellement par les pouvoirs publics. Le groupe doit remettre à la mi-2021 un rapport complet au président de la République pour lui permettre de décider – ou pas – de construire six nouveaux EPR. La filière défend le fait de construire ces réacteurs par paire pour limiter les coûts et mutualiser les équipes. Le président de la République, Emmanuel Macron, a déjà fait savoir que cette décision ne pourrait être prise formellement qu’après le démarrage de l’EPR de Flamanville – qui ne devrait pas être connecté au réseau avant 2023, après des années de dérive.
Le chantier de l’EPR normand, qui a débuté en 2007, devait à l’origine coûter 3,3 milliards d’euros et se chiffre désormais à 12,4 milliards selon EDF, et à 19,1 milliards selon la Cour des comptes. Les dernières difficultés – des soudures qui n’étaient pas conformes à ce qu’avait promis EDF – ont conduit l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à demander de nouvelles modifications. Autrement dit : aucune décision ne devrait être prise avant la présidentielle de 2022.
« Penly est un choix naturel qui avait déjà été envisagé pour accueillir un EPR il y a plusieurs années », précise EDF
Mais EDF doit préparer le terrain pour présenter le projet le plus complet possible, et la sélection des sites est l’une des étapes cruciales. « Les analyses technico-industrielles menées par nos équipes d’ingénierie nous ont conduits à considérer que le site de Penly présente des atouts et des compatibilités pour accueillir une nouvelle installation (disponibilité foncière, densité industrielle locale, bassin d’emploi, facilités logistiques) », précise le groupe, qui ajoute : « Penly est un choix naturel qui avait déjà été envisagé pour accueillir un EPR il y a plusieurs années ».
Cette volonté d’avancer de la part d’EDF survient alors que la filière nucléaire est doublement sous le feu des projecteurs. Mardi 8 décembre, au Creusot, le chef de l’Etat s’est livré à un long plaidoyer pour le développement de la filière nucléaire en France, et a ouvert la voie à la construction de nouveaux réacteurs. « Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire », a ainsi lancé Emmanuel Macron. Dans le même temps, le gouvernement français négocie à Bruxelles une importante réforme de la régulation nucléaire ; elle pourrait avoir pour conséquence une réorganisation profonde d’EDF, appelée projet « Hercule ». Les syndicats et l’opposition estiment que ce projet cache une « privatisation » et un « démantèlement » d’EDF. Le gouvernement assure, au contraire, qu’il s’agit de trouver un modèle économique viable pour l’entreprise sur le long terme.
Par Nabil Wakim Journal Le Monde