Le haut niveau de ségrégation urbaine constitue le meilleur prédicteur des violences. La différence la plus marquante entre 2023 et 2005 est l’entrée en scène des villes petites et moyennes, où les adolescents de cités d’habitat social s’identifient aux jeunes des banlieues de grandes métropoles.
Dix-huit ans après celles de 2005, la France a été touchée fin juin-début juillet 2023 par une vague d’émeutes qui a frappé les esprits à la fois par l’élément déclencheur, l’intensité des violences et des dégradations, et le nombre de villes concernées. Dans la plupart des cas les émeutes éclatent à la suite d’un incident, souvent grave, impliquant la police, et conduit à placer au centre de l’analyse la question des violences policières et des discriminations (Kokoreff, 2008 ; Lagrange et Oberti, 2006). Sans nier l’importance cruciale de ces éléments, nous proposons de nous intéresser davantage aux contextes socio-territoriaux dans lesquels ces événements s’enracinent, et moins aux caractéristiques individuelles des protagonistes. Notre approche suggère que c’est moins la pauvreté, la précarité, le mal-logement, les difficultés scolaires et l’immigration en tant que telles qui sont associées aux émeutes que leur concentration dans des quartiers bien spécifiques de certaines communes.
La ségrégation, résidentielle et scolaire, joue un rôle essentiel dans l’apparition des émeutes, et agit de trois manières : d’une part, elle exacerbe, consolide et catalyse des inégalités de différentes natures ; d’autre part, elle contribue à associer durablement les désordres urbains aux habitants des quartiers défavorisés, accentuant leur stigmatisation ; et enfin elle favorise des discriminations qui suscitent colère et ressentiment. Cette dernière dimension est fondamentale et agit à son tour de deux manières. Puisque les stéréotypes envers les minorités s’intensifient lorsque celles-ci sont concentrées dans des quartiers spécifiques, les pratiques discriminatoires de la part de la police se trouvent accentuées sur une base à la fois spatiale et ethno-raciale. Enfin, cela contribue à forger et diffuser, auprès des catégories les plus concernées, une grille de lecture du monde social où l’intentionnalité d’un traitement différentiel, potentiellement raciste, devient centrale (Oberti, 2007).
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