QUE CHOISIR : Chacun a un rôle à jouer pour réduire l’impact négatif des usages numériques sur l’environnement. Mais les leviers d’action pour communiquer sans polluer ne sont pas toujours là où l’on pense.

Passer un coup de fil avec son portable, regarder une série télé sur sa tablette, effectuer une recherche sur Internet ou envoyer un mail, aucun de ces gestes de la vie quotidienne n’est anodin pour la planète. En France, selon une étude conjointe de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et de l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep), le numérique représentait, en 2022, 2,5 % de l’empreinte carbone et 10 % de la consommation électrique françaises (1). Chaque citoyen émettait en moyenne l’équivalent de 253 kg de CO2 par an rien que pour ses usages numériques, en provenance de 3 grandes sources : le réseau, les centres de données (data centers) et les terminaux (PC, smartphones…).

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 Le réseau 

Les antennes, la fibre optique, les armoires de mutualisation, la consommation électrique des box… tout ce qui sert à faire transiter les données représente environ 5 % de l’empreinte carbone du numérique. Les 4/5e de ces émissions sont générées lors de la fabrication des équipements, le reste provenant de leur usage. À noter que si les technologies les plus récentes (fibre optique et 5G) sont moins énergivores que les anciennes (ADSL et 3G/4G), leur déploiement s’accompagne systématiquement d’une explosion du trafic qui, au final, contribue à faire grimper les émissions de CO2.

 Les centres de données 

Les data centers et les serveurs d’entreprise présents sur le territoire sont responsables de 16 % de l’empreinte carbone du numérique français. Ces espaces abritent en effet toutes sortes d’équipements (serveurs de calcul, disques de stockage, etc.) qu’il faut fabriquer, alimenter en énergie, refroidir, démanteler… « Et encore, il ne s’agit que d’une fourchette basse car nous utilisons aussi des infrastructures basées à l’étranger qui ne sont pas comptabilisées dans ces chiffres », note Julia Meyer, ingénieure au service sobriété numérique de l’Ademe.

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Un data center à Phoenix (Arizona).

 Les terminaux 

Les appareils électroniques, indispensables pour accéder aux services numériques, ont de loin le plus gros impact. Ils pèsent pour 79 % de l’empreinte carbone du secteur. Leur fabrication est surtout en cause. Avant même leur première minute d’utilisation, téléviseurssmartphones ou ordinateurs auront produit 80 % des gaz à effet de serre qu’ils émettront durant toute leur vie, le reste étant lié à leur usage (consommation électrique notamment) et à leur démantèlement. Le fait qu’ils requièrent l’extraction de nombreux matériaux (dont certains sont rares), qu’ils soient fabriqués dans des usines peu regardantes sur leur empreinte carbone et qu’ils soient importés par bateau joue à plein dans ce bilan. Les appareils ayant les plus grands écrans (notamment les téléviseurs) et la durée de vie la plus courte (les smartphones et les ordinateurs principalement) ont les plus gros impacts.

Des pros du double-discours

Pour inverser cette tendance, les acteurs du numérique ne restent pas les bras croisés. Ils alimentent leurs data centers avec de l’énergie renouvelable, favorisent l’écoconception de leurs équipements, diminuent la consommation électrique de leur matériel, promeuvent la vente de produits reconditionnés… Les autorités ont aussi pris de fortes décisions. Le fait, par exemple, d’avoir rendu obligatoire l’affichage d’un indice de réparabilité sur les smartphones, les ordinateurs et les téléviseurs a poussé certains fabricants à allonger la durée de vie de leurs appareils.

Pour autant, ces avancées restent largement insuffisantes. Si les tendances actuelles perdurent, l’empreinte carbone liée au numérique pourrait tripler et la consommation d’énergie doubler à l’horizon 2050. La faute notamment à l’augmentation du nombre d’appareils électroniques (+65 % d’ici 2030 par rapport à 2020) et à l’explosion attendue du trafic de données. Les Français pourraient, en l’espace de 10 ans, consommer 6 fois plus de data, en grande partie à cause du développement fou de la vidéo haute définition, de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle.

Et cette courbe ne s’inversera pas tant que les acteurs du secteur pousseront à l’ultra-consommation, à l’image des réseaux sociaux dont les vidéos s’enchaînent tant qu’on y est connecté, des services de streaming qui paramètrent d’office leurs contenus en qualité maximale ou des fabricants de produits électroniques qui tentent par tous les moyens de convaincre les consommateurs de renouveler leur matériel avant qu’il ne tombe en panne.

Les opérateurs de téléphonie mobile ne sont pas en reste. « Ils ont intérêt à ce que leurs abonnés renouvellent régulièrement leur smartphone et souscrivent des forfaits riches en data, même s’ils n’en ont pas besoin, déplore Marion Graeffly, directrice générale de l’opérateur responsable Telecoop. Notre ambition, au contraire, est de montrer qu’un autre modèle est possible, dans lequel les clients gardent leur téléphone plus longtemps et ne paient que pour ce qu’ils consomment. »

Comment vraiment réduire son empreinte numérique

Selon l’Ademe et l’Arcep, l’objectif annoncé d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ne passera que par une plus grande sobriété. Pour y parvenir, chaque consommateur peut actionner 4 leviers :

 L’allongement de la durée de vie des appareils 

C’est de loin l’action qui a le plus d’impact. Cela revient à :

 La sobriété des usages 

Les bons réflexes consistent à :

  • limiter le visionnage de vidéos, opter pour une définition adaptée à la taille de l’écran, passer ses appels par téléphone plutôt qu’en visio, éviter les partages inutiles sur les réseaux sociaux, se passer du stockage dans le cloud ;
  • ne pas envoyer de mails inutiles, ne pas mettre trop de monde en copie et ne pas joindre de pièces trop lourdes ;
  • ne pas abuser de l’IA générative.

 La réduction de sa consommation d’énergie 

Toutes les économies étant bonnes à prendre, comme :

  • se tourner vers des appareils avec des écrans de petite taille ;
  • activer les modes économie et veille ;
  • éteindre ou débrancher ses appareils quand on ne les utilise pas, en particulier les box Internet.

 Le choix de technologies moins énergivores 

On peut, pour un confort au moins aussi bon :

  • remplacer son abonnement ADSL par un en fibre optique ;
  • utiliser dès que possible le réseau wi-fi pour se connecter à Internet sur son smartphone ou télécharger des vidéos plutôt que de les regarder en streaming en 4G ;
  • regarder la télé par la TNT plutôt que via son décodeur TV.

Le difficile calcul de l’impact d’un e-mail

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Combien de CO2 un mail émet-il ? 0,2 g, comme l’écrivait le spécialiste de l’empreinte carbone Mike Berners-Lee, ou 4 g, comme l’a longtemps affirmé l’Ademe ? En fait, tout dépend du type de mail considéré et du mode de calcul utilisé. Car l’impact d’un mail dépend de nombreux facteurs. De son contenu tout d’abord. Entre un simple « Merci » et un long texte accompagné d’une pièce jointe, les émissions sont très différentes. Il varie aussi selon le temps que l’on met à l’écrire, le nombre de destinataires, la technologie utilisée pour l’envoyer et le nombre de data centers dans lesquels il sera stocké. « Mais les phases d’envoi et de stockage sont les moins émettrices, souligne toutefois Basile Fighiera, formateur en stratégie bas carbone. La fabrication et la consommation d’énergie des terminaux nécessaires pour les écrire et les lire pèsent bien plus dans le bilan carbone. »

 Le chiffre  Un mail parcourt en moyenne 15 000 km, même si on l’envoie à son voisin.

Ainsi, un simple mail émettra 0,1 g de CO2 pour son seul envoi, mais 1,95 g si l’on tient également compte de la fabrication de l’ordinateur qui a servi à l’envoyer. On atteint même 33 g si ce même mail est accompagné d’une pièce jointe de 5 Mo et expédié à 10 personnes différentes, selon le site de vulgarisation de l’Ademe Impact CO2« Si le fait de conserver son matériel longtemps a le plus fort impact, faire le ménage dans ses mails doit être un réflexe pour tous », assure tout de même Basile Fighiera.

Comment surfer plus vert

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