On repense à la sécheresse de l’été dernier, des nappes phréatiques au plus bas, des rivières asséchées. Des scientifiques remettent au goût du jour une méthode utilisée par les Romains : prendre une partie de l’eau des rivières l’hiver, quand elles sont bien pourvues, pour l’épandre dans les champs
FRANCE INTER, Les Savanturiers : Discussion avec Bruno Parmentier, spécialisé dans les questions agricoles et alimentaires, trouve l’idée extraordinaire :
« C’est vrai que c’est une idée qui n’est pas intuitive. Si on augmente la quantité d’eau (sans ruissellement : il s’agit d’arroser des champs avec des haies, avec de l’herbe), on augmente artificiellement l’arrivée d’eau sur un champ et l’eau s’infiltre à l’intérieur du sol et recharge les nappes phréatiques. On a un système d’irrigation qui existe tout seul, qui marche par gravitation** ».**
Deux expériences débutent en France, dans le Lot et Garonne et en haut de Garonne. Quand il y a beaucoup d’eau dans la Garonne, les ingénieurs du BRGM (le Bureau de recherches géologiques et minières) vont les pondre dans les champs via des canaux d’irrigation. L’eau va s’infiltrer sous terre, y rester plusieurs mois, remplir les nappes phréatiques avant de retourner à la rivière.
L’eau se conserve bien mieux sous terre, car elle ne s’évapore pas. Les ingénieurs vont chercher à savoir quel sera le meilleur moment pour prélever l’eau afin qu’elle arrive au bon moment dans la Garonne l’été, quand il fait sec.
A-t-on un gros déficit en eau en France ?
« La France doit faire des efforts pour mieux gérer l’eau, mais il faut se rendre compte que sur tous les mètres carrés en France, il pleut entre 70 cm et un mètre tous les ans. On n’est pas dans le Sahel ! Notre pays n’est pas en train de s’assécher. Le problème est un problème de gestion d’eau. Or, actuellement, dès que l’eau tombe à l’automne ou l’hiver, on la balance dans la mer. Mais la mer n’a pas soif. On a besoin de trouver des méthodes intelligentes pour conserver un peu d’eau de l’hiver pour s’en servir l’été, parce qu’avec le réchauffement climatique, les périodes de sécheresse l’été vont être beaucoup plus longues« .
Est-ce qu’il serait possible aussi de moins irriguer l’été ?
Ça, c’est une vraie question. J’ai découvert en préparant ce sujet qu’il faut environ une tonne d’eau (!) pour produire un kilo de céréales. On a donc besoin de beaucoup d’eau pour manger. Pour le blé, ce n’est pas vraiment un problème : il a soif quand il fait encore humide. Ce n’est pas le cas pour le maïs.
« La céréale qui est adaptée à notre climat, c’est le blé. Le blé a besoin d’eau quand il pleut, normalement – en mars, avril, mai. Et quand on fait du blé en France, en général, on n’irrigue pas. En revanche, quand on passe du blé au maïs. Là, on a pris une céréale qui n’est pas adaptée à notre climat. C’est une céréale issue du tropique humide, du Mexique, donc elle a besoin de boire en juillet-août. Quand on irrigue ces mois-là, ça fait des fâcheries parce qu’il y a des conflits d’usage sur l’eau. Pourquoi ne pas prendre une autre céréale, qui vient non pas du tropique humide, mais du tropique sec, comme le sorgho ? Le sorgho a besoin de beaucoup moins d’eau l’été. On a intérêt à remplacer une céréale des tropiques humides par une céréale des tropiques secs« .
Le sorgho commence d’ailleurs à être cultivé en France. Le sorgho est une variété de mil et l’ONU a fait de 2023 l’année internationale du mil.
Aller plus loin
Bruno Parmentier est également l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’alimentation :
– Faim zéro, pour en finir avec la faim dans le monde, aux éditions de la Découverte – Et nourrir l’humanité également aux éditions de la Découverte.