SUD-OUEST du 19 mai : Première ville en France à généraliser en 2019 la limitation à 30 km/h dans l’ensemble de ses rues, à l’exception des Rives d’Arcins, Bègles a entériné la bascule ce mardi 17 mai, non sans susciter le débat parmi les élus
« Moins de pollution, plus de fluidité, meilleur partage de l’espace public. » Adjoint au maire en charge de la transition écologique, Pierre Ouallet déroule ses arguments à l’heure de présenter le dossier « pérennisation ville 30 », ce mardi 17 mai, en ouverture du conseil municipal de Bègles, pour la première fois de retour dans les murs de l’Hôtel de ville depuis le 5 mars 2020, Covid oblige. Entrée en vigueur depuis juillet 2019, la limitation de la vitesse à 30 km/h dans toutes les rues de la ville, exception faite de la zone commerciale des Rives d’Arcins, a été entérinée « définitivement ».
Une décision vieille de trois ans qui avait placé Bègles au rang de ville pionnière, poursuit volontiers Pierre Ouallet, rappelant l’intérêt de la presse nationale et énumérant les communes qui rejoignent le mouvement, de Paris à Bordeaux « jusqu’aux boulevards » en passant par Floirac, Cenon et Lormont sur la rive droite : « On voit que la dynamique prend. »
-4 % de trafic… en 2020
Et l’adjoint de livrer quelques bribes de l’étude de trafic diligentée par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) de janvier 2019 à septembre 2020 : «-4 % de flux de circulation dans la ville, jusqu’à -8 % cours Victor-Hugo ». Tout en convenant : « Les chiffres ont depuis réaugmenté, à l’image de la Métropole, confrontée à une congestion du trafic. »
Circulation en Gironde : Cenon passera au « tout 30 km/h » au 1er janvier 2023Après Bègles, Bordeaux ou Lormont, la commune de Cenon appliquera une
La baisse de vitesse enregistrée serait à l’avenant, « pas forcément notoire au début, mais très marquée quand on aménage la voirie, par exemple rue des Quatre-Castera ou Chevalier-de-la-Barre ». D’autres travaux sont annoncés, notamment avenue Jules-Guesde. S’y ajoute « l’augmentation de l’activité cyclable », « même si le passage en ville 30 n’explique pas tout ». Bègles est « l’une des quatre communes de Nouvelle-Aquitaine », « avec La Rochelle », à avoir décroché « trois cœurs sur cinq » au label « Ville prudente ».
« Tableau Excel »
N’en jetez plus ? « Le dispositif va aller en s’améliorant », reprend le maire Clément Rossignol Puech, sûr de la légitimité de la ville 30 : « Très souvent, l’enjeu de la vitesse revient dans les discussions » en réunions de quartier. Conseiller municipal d’opposition, Christophe Thomas regrette le survol du bilan de trois ans de ville 30 : « On n’a rien, on n’a pas un chiffre. 80 % des véhicules qui circulent sont au-dessus des 30 km/h. Sans élément, on est dans l’incantation. Mais c’est votre choix ! »
De fait, l’étude du Cerema n’a pas été communiquée à l’opposition en amont du conseil municipal. « Elle vous sera présentée dans le détail, reprend le maire. J’entends la réflexion, ça aurait été mieux avant le vote, j’en conviens. » Mais Christophe Thomas insiste : « Le document est sur votre ordinateur, vous êtes en train de les lire. Si vous les avez, on les veut demain, ce n’est pas la peine d’attendre le mois de juin. » « C’est un tableau Excel », souffle Pierre Ouallet.
« Abus de langage »
Christian Bagatte, chef de file de l’opposition, s’interroge sur le bien-fondé des chiffres, qui font référence à la « période d’épidémie ». Et considère la « ville 30 » comme un « abus de langage », entre les Rives d’Arcins et « l’absence de moyens » pour respecter les limitations. Mohammed Michrafy, toujours au nom de l’opposition, remet sur la table un élément qui fait débat, à savoir la circulation des voitures à un régime de moteur imposée par la limitation à 30 km/h : « Le premier facteur qui influence les émissions n’est pas la vitesse, mais l’accélération. »
« Quels sont vos moyens pour limiter les phases d’accélération ? Quels sont les moyens que vous mettez pour le report modal ? » interroge-t-il, nuançant le propos : « Notre réflexion ne se fonde pas sur la décision, mais sur les moyens qui accompagnent votre décision. » Conseillère municipale de la majorité en charge de l’inclusion sociale, Isabelle Taris tient à émanciper le débat de « l’analyse des chiffres » : « Je peux constater un changement de comportement » chez les automobilistes, assure-t-elle, décrivant les enfants qui roulent « paisiblement » sur le chemin de l’école.
« C’est un processus lent qui nécessite que les gens se l’approprient, et les changements de comportement, ça ne se décrète pas. C’est une étape qui devra être enrichie : signalétique, samedi piétonnier par mois, ce sont toutes ces approches d’une ville apaisée que les citoyens vont s’approprier. » Clément Rossignol Puech s’efforce de conclure : « L’avenir jugera le bien-fondé de cette ville à 30. » Délibération adoptée, l’opposition votant contre.