En 2009, Elinor Ostrom figure parmi les lauréats du prix Nobel d’économie pour son analyse de la gouvernance économique, notamment en ce qui a trait aux biens communs. Si ce choix en surprend plus d’un au sein de la profession, sa quête de toute une vie pour comprendre les modalités de gestion réussie des ressources communes est riche d’enseignements pour notre avenir.
Toute la carrière universitaire d’Ostrom est axée autour d’un concept qui joue un rôle essentiel en économie, mais qui est rarement examiné en détail : le concept de propriété. Ronald Coase signalait déjà à la profession l’importance de bien définir les droits de propriété lorsque les actions d’un individu ont une incidence sur le bien-être d’autres individus. Or, la principale préoccupation de Coase était la frontière entre l’individu et l’État dans la régulation de ces actions. Ostrom s’attelle à explorer cet entre-deux nébuleux où ce sont les communautés, et non pas les individus ou les gouvernements officiels, qui détiennent les droits de propriété.
Les données qu’elle accumule sont obtenues par une variété de méthodes qualitatives et quantitatives. Le patchwork de modèles disparates qu’elle développe n’est pas imbriqué dans un cadre mathématique grandiose et reconnu par la profession. Elle ne se laisse pas prendre à l’illusion du savoir précis typique d’un grand nombre de travaux en économie, préférant ne pas dissimuler l’imprécision et l’ambiguïté qui caractérisent l’état actuel de nos connaissances. Il faut une bonne dose de courage professionnel et de confiance en soi pour s’éloigner de la sorte des pratiques académiques établies. Ainsi se montre-t-elle intrépide, laissant derrière elle un héritage important et stimulant.
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