SUD-OUEST du 8 février
Trois semaines après sa nomination à Matignon, Gabriel Attal a sans doute montré comment mettre un terme à une crise agricole. Et la recette n’est pas nouvelle : accéder aux principales revendications des éleveurs, des céréaliers, des maraîchers et de leurs collègues vignerons. Lesquels, il est vrai, évoluent sur bien des sujets dans un univers kafkaïen où, à la complexité des règlements – qu’ils soient « made in France » ou moulés à la louche bruxelloise –, s’ajoutent des inégalités fiscales, environnementales ou commerciales. Et ce, au sein même de l’Union européenne quand elles ne viennent pas d’Asie ou d’Amérique du Sud. À bien des égards, le ras-le-bol des agriculteurs est compréhensible. Et ce d’autant plus que leur principale attente reste de vivre de leur travail. Ce qui, pour reprendre un mot à la mode, est loin d’être la norme.Si le Premier ministre s’est attaché à répondre à cette urgence, via plusieurs mesures financières, l’une de ses décisions montre qu’il n’a pas seulement entendu cette colère. Il a aussi et surtout cédé aux lobbys agricoles. Certes, il n’est pas le premier à manger son chapeau. En son temps, Dominique de Villepin avait dû renoncer au contrat première embauche. Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, avait plié devant les Bonnets rouges. La liste est longue.Mais en annonçant mettre sur pause le plan Ecophyto, qui prévoit de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, il vient de sulfater l’une des promesses majeures du candidat Macron de 2022. Durant l’entre-deux tours de la présidentielle, pour tenter de rallier une partie de l’électorat de gauche, il n’avait pas hésité à reprendre à son compte l’une des idées de Jean-Luc Mélenchon : celle d’une planification écologique. Assurant, pour que le message soit sans ambiguïté : « Ma politique sera écologique ou ne sera pas. » Vingt mois et une crise agricole plus tard, cet engagement vient de s’écraser. Le retour sur terre est brutal, car en matière d’environnement, la question des pesticides est cardinale dans la mesure où elle dépasse de loin le seul secteur de l’agriculture, embrassant les domaines clés de la santé et de l’alimentation.En écoutant Gabriel Attal, on entendait, en écho, Nicolas Sarkozy quand celui-ci déclarait, en 2010, à propos des contraintes environnementales : “Ça commence à bien faire.” Les réponses apportées à cette crise ne disent pas autre chose. Mais là n’est pas le plus consternant. Derrière l’agacement de Nicolas Sarkozy, émergeait – déjà – ces distorsions de législations qui faussent le marché. Or, quatorze ans plus tard, rien n’a changé. Les défenseurs du climat ont beau scander « fin du mois, fin du monde, même combat », la transition écologique reste un modèle à inventer. |
Jefferson DesportÉditorialiste j.desport@sudouest.fr |
Environnement : le retour sur terre