Dans un ouvrage pédagogique et amer, le chercheur Cédric Philibert, spécialiste de l’énergie, revient sur les oppositions à l’éolien en France.
LE MONDE : Savez-vous que les éoliennes ont rapporté plusieurs milliards à l’Etat en 2022 ? Que la plupart d’entre elles ne comportent pas de terres rares ? Qu’elles se déploient à toute vitesse dans la plupart des grandes économies du monde, même dans certains pays pétroliers ? Qu’elles ne sont pas produites en Chine mais massivement en Europe ? Dans son livre Eoliennes, pourquoi tant de haine ?, l’expert de l’énergie Cédric Philibert, chercheur associé à l’IFRI et ancien de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), reprend de manière pédagogique un à un tous les débats autour du développement de l’éolien.
Alors qu’elles incarnaient jusqu’à une période récente l’image d’une transition énergétique en marche, les éoliennes sont devenues la cible d’opposants de plus en plus nombreux. Ceux-ci leur reprochent, en vrac : les subventions publiques dont elles ont bénéficié, leur impact sur la biodiversité et le patrimoine, leur intermittence, leur utilisation de béton ou d’acier, leur emprise au sol et même leur inutilité complète. Cette critique fourre-tout rassemble des opposants locaux, des ingénieurs proches de la filière nucléaire, des associations de défense du patrimoine ou de l’environnement.
« Occasion manquée »
En passant au crible les arguments des opposants, Cédric Philibert parvient à démonter la plupart des fausses informations et des confusions suscitées par le débat sur les énergies renouvelables en France, et notamment sur l’éolien. L’auteur rappelle que « l’éolien et le solaire sont indispensables à la lutte contre le changement climatique », en soulignant que les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, de l’AIE ou, pour la France, du Réseau de transport d’électricité sont catégoriques : sans développement de ces énergies renouvelables, il sera impossible de sortir des énergies fossiles.
Pourquoi sont-elles incontournables ? Pour se débarrasser du pétrole, du gaz et du charbon, l’électricité va jouer un rôle majeur. Les voitures, le chauffage, l’industrie vont demander plus de production électrique. Or, souligne Cédric Philibert, le parc nucléaire français n’est pas éternel – et la France ne peut pas attendre pendant quinze ans, les bras croisés, l’arrivée d’une nouvelle génération de réacteurs. Surtout, l’auteur raconte dans le détail comment l’éolien et le solaire sont devenus des énergies peu chères et déployables rapidement partout dans le monde. « Le monde entier accélère », souligne Cédric Philibert, qui précise que « dès 2025, les énergies renouvelables dépasseront le charbon dans la production d’électricité, la contribution de l’éolien et du solaire doublant en cinq ans pour atteindre près de 20 % du total ».
Chapitre après chapitre, Cédric Philibert tente de démonter les critiques faites aux éoliennes, sans ignorer les difficultés qui peuvent exister dans un système électrique avec beaucoup d’énergies renouvelables. Mais il ne cache pas son amertume face au manque d’ambition de la France et dénonce l’« occasion manquée » qu’a été le vote de la loi sur les énergies renouvelables en février, qui ne permettra pas à la France d’atteindre ses objectifs en la matière.
« Eoliennes, pourquoi tant de haine ? », de Cédric Philibert, Les Petits Matins, 192 p., 18 €