L’Autorité de sûreté nucléaire a donné son accord, lundi, à l’entreprise française pour la production des premiers électrons, mais la mise en service commercial n’aura pas lieu avant « la fin de l’automne », selon EDF. Le chantier accuse déjà douze ans de retard.
C’est un nouveau retard pour l’EPR de Flamanville (Manche). Alors que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné, lundi 2 septembre, son accord à EDF pour la production des premiers électrons du site, l’entreprise a annoncé un report de la mise en service commercial du réacteur. La connexion au réseau électrique est désormais prévue d’ici à « la fin de l’automne », alors que l’énergéticien tablait sur la fin de l’été, le 21 septembre au plus tard.
Le chantier accuse déjà douze ans de retard sur le calendrier initial, pour ce nouveau réacteur à eau pressurisée, le quatrième de ce type installé dans le monde.
Lors d’un point presse, le directeur adjoint de la division production nucléaire du groupe français, Régis Clément, a annoncé, lundi, de manière concomitante avoir reçu l’accord de l’ASN pour lancer la production des premiers électrons de l’EPR. Mais le « couplage », soit les opérations de raccordement au réseau qui permettront aux foyers français de bénéficier de l’énergie du réacteur le plus puissant (1 600 mégawatts, MW), le cinquante-septième du parc, devra encore attendre.
« Un programme d’essais permettant d’atteindre un niveau de puissance de 25 % sera mis en œuvre », palier lors duquel l’EPR « sera connecté au réseau électrique national pour la première fois et produira alors de l’électricité », une échéance « prévue d’ici [à] la fin de l’automne 2024 », a précisé le groupe dans un communiqué.
Nombreux « aléas » et retard cumulés
Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, a décidé de relancer le nucléaire en commandant six réacteurs EPR 2 (et huit supplémentaires en option) à l’énergéticien, le démarrage de l’EPR de Flamanville, avec plus de douze ans de retard, et même s’il a été décidé bien avant, revêt une dimension hautement symbolique.
Les nombreux déboires qui ont affecté le chantier de l’EPR (fissures dans le béton de la dalle, anomalies dans l’acier de la cuve, et défauts de soudure sur les traversées de l’enceinte de confinement) ont fait exploser la facture, désormais estimée à 13,2 milliards d’euros par EDF, soit quatre fois le devis initial de 3,3 milliards. En 2020, la Cour des comptes l’avait évaluée à 19 milliards, en comptant notamment les « surcoûts de financement ».
La première réaction en chaîne de fission nucléaire sur le site devrait néanmoins intervenir dès ce mardi : « les équipes de nuit vont engager l’action physique » qui va amener le réacteur à être « dans cet état de réaction nucléaire initiée et entretenue stable », a déclaré à la presse Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire d’EDF. L’opération devrait « prendre une dizaine d’heures », a-t-il précisé.
« Pour aller au couplage, on parle de la fin de l’automne, parce que devant nous on a un programme assez conséquent de tests », a poursuivi M. Clément, qui a annoncé une montée « par paliers successifs », avant que le cœur nucléaire ne puisse « montrer patte blanche ». Le PDG d’EDF, Luc Rémont, avait déclaré, début juillet, que la divergence, étape majeure des opérations de démarrage du réacteur, était « imminente ».
« Aléas »
Si elle n’a débuté que lundi, c’est parce que les équipes de Flamanville ont rencontré « des aléas » qui ont amené « un certain nombre d’opérations supplémentaires » à être réalisées durant l’été, selon M. Clément. Quant à la pleine puissance, annoncée jusqu’alors d’ici à la fin de l’année, il faudra compter « plusieurs mois », selon ce dernier, qui n’a pas donné de nouvelle date.
Outre l’autorisation de l’ASN, une autre bonne nouvelle a toutefois été annoncée, lundi, par l’énergéticien : EDF a sensiblement révisé à la hausse son estimation de production nucléaire pour l’année 2024, désormais comprise entre 340 térawattsheure (TWh) et 360 TWh, contre une fourchette de 315 TWh à 345 TWh prévue initialement. Une augmentation n’incluant pas la prochaine production de l’EPR de Flamanville. « Les cinquante-six autres réacteurs performent mieux que ce qu’on avait intégré », a fait valoir Régis Clément, si bien que la production de « l’EPR [de Flamanville] arrivera en supplément ».
« Le dossier “corrosion” a été moins sensible que prévu », a-t-il ajouté. « Cette révision de l’estimation de production nucléaire pour 2024 s’appuie sur l’amélioration de la performance des arrêts de tranche, la maîtrise industrielle des contrôles et des chantiers de réparations liés au dossier de la corrosion sous contrainte, et l’absence d’aléa climatique majeur pendant l’été », selon le communiqué d’EDF.
Le Monde avec AFP