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En France, mais aussi en Allemagne ou aux Pays-Bas, les partis écologistes battent de l’aile à deux semaines des élections européennes.

Avec

  • Marine Braud Consultante, ancienne conseillère en charge de la société civile et de la convention citoyenne au cabinet de la ministre de la transition écologique
  • Dominique Bourg Philosophe

Accusée d’être punitive, l’écologie comme programme politique est devenue dangereuse à manipuler. Ceci alors même que le changement climatique est de plus en plus manifeste en Europe et sur tous les continents. Comment expliquer ce paradoxe ? L’écologie est-elle condamnée à être une variable d’ajustement face à d’autres urgences ?

Marine Braud, ex-conseillère écologie auprès de la Première ministre et du président de la République. Travaille désormais dans le conseil aux décideurs économiques. Elle fait partie des « experts » Terra Nova, et a récemment publié une note sur l’adaptation au changement climatique.

Dominique Bourg, philosophe spécialiste des questions environnementales, professeur honoraire à l’Université de Lausanne

L’écologie, une notion inévitable en politique

Dominique Bourg affirme que « le climato-scepticisme reste fort, car il concerne à peu près un tiers de la population dans chaque pays. Cependant, il est très différent de celui qu’on connaissait dans les années 2010 : cette fois-ci, c’est du déni. Chacun voit bien les difficultés auxquelles nous faisons face, elles nous affectent régulièrement. » Comme l’explique Marine Braud, l’écologie est devenue une notion inévitable pour tous les partis en course des élections européennes, laissant sur le côté le climato-scepticisme. « L’écologie n’est pas un sujet exclusivement porté par les partis écologistes ». Le philosophe surenchérit : « ce n’est pas porteur de dire ‘ je suis contre l’écologie’. Ce qui est porteur, et ce que beaucoup de partis utilisent, en particulier à l’extrême droite, c’est de dire ‘je suis contre l’écologie punitive' ».

Un paysage politique scindé en deux

C’est cette écologie punitive qui divise le monde politique en deux. L’échec du pacte vert a ravivé les débats, et pour Marine Braud « l’écologie est devenu un lieu de friction. Ceux qui auraient dû en parler positivement n’en parlent pas nécessairement et ceux qui en parlent souhaitent revenir sur les normes. » Le concept même d’efforts publics, tels que l’utilisation de voitures électriques par exemple, ne fait pas consensus. Dominique Bourg analyse : « le paysage politique s’est fragmenté entre ceux qui disent qu’il va falloir changer nos manières d’exister et ceux qui répondent « Pas question ». C’est relativement grave et absurde, car l’écologie n’est pas une question d’idéologie, mais la matérialité du monde qui est en train de changer. » Les élections du 8 et 9 juin prochain décideront si le Green Deal aura le droit à une seconde chance ou si cet échec aura raison de lui.

La France et l’oubli de l’écologie

Comme nous le rappelle Dominique Bourg, « Emmanuel Macron, en 2022, a dit ‘mon prochain quinquennat sera écologique ou ne le sera pas.' » Aujourd’hui, pour le philosophe, « nous sommes passé de façon très claire du côté du discours de la droite, c’est-à-dire que l’écologie est contraignante et punitive pour le gouvernement. On a même une criminalisation de l’activisme et du militantisme écologique. » Les Français, aussi, présentent une sorte de dualisme, avec une volonté de faire progresser la cause écologique tout en restant attachés à leurs anciennes traditions. Marine Braud illustre : « aujourd’hui, on trouve peu de Français qui vont vous dire ne pas être intéressé par les questions environnementales. Cependant, à partir du moment où on interdit les anciens véhicules diesel dans les centres-villes, les gens ne sont plus forcément d’accord. » Le gouvernement et le peuple français se retrouvent dans une position où il va falloir faire des sacrifices, ce qu’ils ne sont pas forcément prêts à entendre.

Européennes : pourquoi l’écologie passe au second plan ?