Alors que le ministre chargé de la Ville et du logement, Olivier Klein, a lancé, en mai 2023, une mission sur le sujet, l’Association des maires de France a organisé, le 20 juin, une rencontre sur le thème de la lutte contre l’habitat indigne et des obstacles auxquels doivent faire face les maires pour la mettre en œuvre.
Réformé par la loi « Elan » du 23 novembre 2018 via une ordonnance du 16 septembre 2020, le cadre juridique de la lutte contre l’habitat indigne reste très complexe, avec une compétence partagée entre l’Etat et la commune, selon le type de désordres qui touchent le bâtiment – soit ils rendent les locaux impropres à l’habitation, soit ils causent des risques pour la santé ou la sécurité des habitants. "Au quotidien, c’est un travail de fond réalisé par les maires et leurs services, un travail laborieux, mal connu, qui consiste à prévenir les situations dangereuses", a résumé Thierry Repentin, maire de Chambéry et coprésident de la commission « logement » de l’Association des maires de France, lors du colloque organisé le 20 juin.
Le parc privé potentiellement indigne représente environ 420 000 logements en métropole et 100 000 en outre-mer, un chiffre probablement sous évalué. "La loi “Elan” a sécurisé le cadre juridique de l’action sur le terrain. 1500 arrêtés de mise en sécurité ont été pris en 2021, mais les élus ont besoin d’être appuyés, soutenus", explique Laurent Bresson, sous-directeur des politiques de l’habitat à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages." C’est pourquoi l’AMF, le Pôle national de lutte contre l’habitat indigne et l’Agence nationale d’information pour le logement ont édité un guide à destination des maires et des services des collectivités détaillant les outils de repérage, l’articulation des compétences entre l’Etat et les communes ou les intercommunalités, les mesures d’exécution et la protection des occupants, ainsi que les aides financières en matière d’habitat indigne.
La loi « Elan » a prévu le transfert possible de la police spéciale de la lutte contre l’habitat indigne de la commune à l’intercommunalité, mais seules 150 intercos se sont vu transférer ce pouvoir, et tout l’enjeu réside dans l’élaboration d’une véritable stratégie intercommunale et la mutualisation de l’ingénierie.
De nombreux obstacles demeurent
Malgré les améliorations apportées par la loi « Elan », de nombreux points continuent à poser problème. C’est pourquoi le ministre chargé du Logement et de la ville, Olivier Klein, a confié à deux élus, Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, et Michèle Lutz, maire de Mulhouse, le 17 mai dernier, une mission pour recenser les ajustements à apporter aux outils existants. Les élus doivent rendre leurs conclusions à la rentrée prochaine.
A Marseille, qui recense 40 000 logements indignes, soit 10 % du parc de logements potentiellement indignes en métropole, le sujet a été pris à bras le corps depuis les écroulements de trois immeubles rue d’Aubagne.
« Une trentaine d’arrêtés de mise en sécurité sont pris chaque mois et une dizaine d’immeubles évacués. 120 personnes travaillent à la mairie sur la détection de l’habitat indigne et le relogement. Nous avons récupéré auprès de l’Etat la préparation des arrêts d’insalubrité « , explique Patrick Amico, adjoint au maire de Marseille chargé de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne. L’élu pointe la durée des procédures d’expropriation des marchands de sommeil et la situation des copropriétés dégradées, pour lesquelles il n’existe pas de procédures d’intervention rapides.
Une appropriation publique compliquée
A Saint-Denis, 19 % du parc privé de logements est potentiellement indigne, soit 4 500 logements. Mathieu Hanotin, le maire de la ville, pointe également la question des outils à la disposition des maires pour une appropriation publique des biens, trop complexes à mettre en oeuvre. « Remettre sur le marché un îlot insalubre, c’est huit ans au mieux s’il n’y a pas de problème, et il y en a toujours », explique-t-il. Le financement des travaux réalisés d’office à la place des propriétaires est l’un des points de blocage également régulièrement évoqué.
Dans le cadre de la mission confiée par Olivier Klein, trois axes sont travaillés : les freins juridiques et administratifs, le problème des copropriétés en difficulté, pour lesquelles des outils supplémentaires sont nécessaires, et la lutte renforcée contre les marchands de sommeil. « La peine d’interdiction d’acheter de nouveaux logements pour les marchands de sommeil est extrêmement peu appliquée », cite en exemple Mathieu Hanotin, qui évoque également l’idée d’un droit d’expropriation spécifique à l’habitat indigne, plus rapide à mettre en œuvre.
La ville de Marseille et celle de Saint-Denis ont annoncé, lors du colloque, le lancement du réseau des villes contre l’habitat indigne (contact : reseau-vhi@marseille.fr) avec l’objectif de réunir petites et grandes villes afin de partager leurs expériences et les difficultés rencontrées dans la lutte contre l’habitat indigne à l’échelle locale. L’objectif consiste à porter des propositions d’évolution, notamment législatives, afin de mieux outiller les collectivités pour porter ce combat.