Nous en avons parlé lors de notre dernière réunion de travail, voici les quelques réflexions de JL Gleyse, président PS du Conseil Départemental de la Gironde, en première ligne cet été :

Quelques extraits : 

  • « Alors que la voix de ceux qui savent toujours a parlé et parlera encore avec la force des certitudes, y compris dans des tribunes de presse, alors que certains viennent au secours de la victoire quand elle est acquise, alors que d’autres réécriront l’histoire comme elle aurait dû, selon eux, se dérouler maintenant qu’ils en connaissent l’issue, ma parole sera celle de l’humilité et des questionnements, pour ouvrir des perspectives sans prétendre connaître vers où nous mèneront ces chemins, mais sans éluder non plus ce qui a pu bousculer mes propres certitudes.« 
  • « Cela a aussi lieu au sein d’une collectivité comme le département, pourtant non intégré à l’organisation officielle de sécurité civile, car il permet, lorsqu’on lui laisse sa place, d’assurer la coordination avec ces acteurs de terrain, qu’il pratique au quotidien et qu’il connaît bien, et ainsi de déployer des solutions pertinentes, d’apporter l’aide et le soutien inscrits dans son ADN de solidarités humaines et territoriales, par exemple en s’improvisant, comme ici, en camp de base instantané et adaptable. »
  • « Pour le dire simplement, la résilience aux crises naîtra toujours d’en bas et, s’il faut l’accompagner parfois de moyens nationaux, ils seront toujours le complément de ces initiatives locales qui, crise après crise, démontrent pertinence et efficacité. C’est la raison pour laquelle, au regard d’un avenir dans lequel se renouvelleront inévitablement les soubresauts de crises diverses, il est indispensable de mettre en œuvre un nouvel acte de décentralisation, qui ancre, dans ce siècle de transformation, le rôle des collectivités locales en complément de l’action de l’État. Autrement dit, concevoir enfin une République des territoires en commun solide, innovante et partagée. »
  • « Côté La Teste, nous avons une forêt avec des propriétaires et des usagers, fondée sur des « baillettes » et des « transactions » datant du Moyen Âge, permettant de couper du bois vert pour la construction et du bois mort pour se chauffer. Un boisement qualitatif en milieu dunaire, ancien voire historique, laissé en pousse naturelle sans entretien du sous-bois, avec un réseau de pistes forestières sablonneuses et de rares routes. Cette faible accessibilité et son caractère touffu ont rendu très difficile la défense incendie. La forêt aujourd’hui détruite à 80%, se pose la question de son avenir foncier : toujours en propriété privée ? ou communale ? ou domaniale ? En maintenant ce régime médiéval dont on peut douter de l’utilité aujourd’hui ? Quelle part pour l’usage local ? Quel statut juridique pour demain ? La population concernée, mais aussi les élus locaux auront leur mot à dire sur ces sujets.« 
  • « Côté Landiras, la forêt « classique » du massif, quant à elle, est à 90% privée. À la demande des maires, j’ai fait procéder à l’élaboration d’une cartographie identifiant, par codes couleurs, les différents propriétaires afin qu’ils puissent être contactés. Certains d’entre eux m’ont exprimé leur étonnement en découvrant ces cartes : au premier coup d’œil, le parcellaire se révèle, souvent, extrêmement morcelé. Faut-il imaginer une recomposition foncière, avec des unités plus structurées, via des échanges bilatéraux négociés ? Via un aménagement foncier que porterait le département ? Des unités foncières plus vastes permettraient à la fois une simplification parcellaire, une gestion forestière plus aisée et un contrôle facilité concernant d’éventuelles obligations d’entretien.« 
  • « Pourra-t-on encore autoriser des constructions aussi imbriquées dans la forêt ? Faudra-t-il prévoir des « zones-tampons » facilitant la protection incendie ? Faudra-t-il être plus coercitif pour faire respecter les obligations de débroussaillement ? Quiddes lieux d’hébergement de loisirs en pleine forêt ? Et des « cabanes » habitées qui s’y trouvaient implantées ? »
  • « Sur le secteur de Landiras, l’urbanisme est traditionnel de la lande : des bourgs espacés de quelques kilomètres, des quartiers comportant plusieurs maisons et beaucoup d’habitats diffus, assez fréquemment de maisons isolées qui ont nécessité énormément de moyens de défense incendie pour les préserver. « 
  • « Les alentours des maisons ne sont, là encore, pas souvent débroussaillés, d’autant que cette obligation revient au propriétaire de la maison et non à celui de la parcelle boisée. Alors que faudra-t-il faire demain ? Ne plus autoriser de constructions en lisières boisées ? Garantir là aussi des « zones tampons » préventives ? Réinstaurer la logique des airials ? Obliger à l’entretien des parcelles, quitte à en confier la responsabilité aux propriétaires des bois ? »
  • « Pour celle de La Teste […] Le volet foncier évoqué ci-dessous sera fondamental, autant par son statut que par les acteurs qui se chargeront de sa renaissance. Le milieu dunaire conditionnera également la nature du boisement, au regard de son caractère géologique et physique. Par ailleurs, cette forêt avait aussi pour rôle de contenir l’avancée des dunes, notamment celle du Pilat. Enfin, le recul du trait de côte en façade Atlantique doit impérativement être pris en compte. »
  • « Concernant le secteur de Landiras, la forêt […] a été complétée à l’origine avec des principes de « costières », talus plantés de feuillus délimitant physiquement les parcelles et constituant des écrans permettant de ralentir la propagation des incendies. Cette culture des feuillus, notamment des chênes, s’est peu à peu étiolée. L’exploitation de la forêt est devenue très intensive, rémanents et souches sont enlevés lors des coupes, et les feuillus de plus en plus sacrifiés. Les propriétés sont transmises à des générations qui ne vivent plus nécessairement sur site et qui ne disposent pas d’une véritable culture forestière. Parfois, ces propriétés sont vendues à des compagnies d’assurance ou à des groupes bancaires. Inévitablement, la question des essences à replanter sera posée, alors même que la géologie locale limite les possibilités de choix. Cette approche devra prendre en compte les contraintes économiques de la filière, car il faudra concilier rentabilité et résilience.« 
  • « Il faut aussi surveiller attentivement les cours du bois, parfois volatils et donc susceptibles d’être impactés comme celle-ci. »
  • « À La Teste, il est fort probable que la forêt soit désormais conçue pour garantir une organisation qui lui donne un caractère moins sauvage et plus accessible. Ses lisières au regard de l’habitat et de la vie humaine seront probablement traitées avec une dimension de sécurité plus importante, ses accès plus nombreux et facilités. Mais alors, quid de son réseau de pistes forestières sablonneuses ? Et quel maillage pour garantir une défense incendie plus aisée ? »
  • « Du côté de Landiras, au-delà d’une éventuelle mixité des essences, certaines de ces questions se poseront. Faut-il renforcer le maillage des pistes ? Créer de nouveaux pare-feux plus importants ? Comment protéger les abords des routes ? Quels rôles les champs de grandes cultures de maïs et les centrales photovoltaïques ont-ils représenté pour les sapeurs-pompiers en matière de zones d’appui ? Faut-il reconsidérer la conception de celles-ci pour constituer des pare-feux d’un nouveau genre, rémunérateurs pour les propriétaires et contributeurs au mix énergétique ? Comment garantir qu’un entretien rigoureux des parcelles soit assuré ? »
  • « Faut-il revoir la loi « démocratie et proximité » qui a figé en 2002 le calcul de la participation des collectivités en fonction de la population de cette année de référence, ce qui prive le SDIS de la Gironde d’un différentiel de financement de 400 000 habitants ? Ou faut-il mettre en œuvre une augmentation de la TSCA, prélevée sur les compagnies d’assurance ? Car chaque fois que les pompiers évitent des dégâts, c’est autant d’indemnisations en moins pour le monde assuranciel. »
  • « Il faudra également retravailler l’organisation entre les pompiers et les partenaires de la prévention et de la surveillance du feu que sont, notamment, l’ONF et la DFCI. »
  • « Imaginer une « école du feu », par exemple dans le centre de formation de Salles, avec des travaux pratiques en réel sur des secteurs qui le permettent ? Ou encore favoriser l’acculturation avec la réalité forestière locale ? »
  • « Dans le secteur de Landiras, l’immense cicatrice de 20 000 hectares laisse, comme à La Teste et ses 10 000 hectares, un vide dans lequel s’engouffreront les vents et les tempêtes, prenant leur force pour attaquer les arbres des parcelles avoisinantes ainsi fragilisés. Ces pins manquants, chargés par leurs racines de capter les eaux superficielles qui formaient avant leur arrivée de la lande un marécage, ne joueront plus leur rôle d’absorbeur de ces eaux. Qu’adviendra-t-il de ces terres qui ne seront plus drainées ?« 
  •  » faudra-t-il réintroduire les espèces disparues pour retrouver les biotopes antérieurs, ou considérer que l’incendie fait partie désormais de l’histoire de cette terre et qu’elles sont donc considérées comme appartenant au passé ? Des espèces invasives vont-elles tenter de prendre leur place ? Comment écrire la suite environnementale de cet espace, entre résilience naturelle et présence humaine ?
  • « Le bilan carbone des forêts dévastées est aussi important. D’après les calculs effectués par les services environnement du département, la captation de CO2 des 30 000 hectares brûlés sur les deux incendies est estimée à 300 000 tonnes de CO2par an qui ne seront plus absorbées. Et l’on sait que cette absence de captation, couplée à la disparition de l’évapotranspiration des millions d’arbres manquants, fait entrer cet espace dans un cercle vicieux de réchauffement climatique accentué. »

Il rappelle :

  • La demande des Départements de la Gironde, des Landes et du Lot et Garonne à la préfète d’organiser des états généraux du massif des Landes de Gascogne
  • Ses demandes concernant les moyens à demeure et une stratégie nationale et européenne
  • Gironde Résilience / électrochoc / panel citoyen 
  • Aller plus loin : 
    • « Notre collectivité s’engagera dans une démarche de stratégie de résilience girondine fondée sur quatre piliers d’action : anticiper, prévenir, s’adapter, agir. Elle sera formalisée dans un document qui fera de la Gironde le premier département de France doté d’une telle démarche. Elle s’inspire des « 100 Resilient Cities », projet initié par la fondation Rockefeller, avec pour ambition de faire face à trois grands défis et menaces : l’urbanisation croissante, la mondialisation et le changement climatique. « 
    • « Nous compléterons cette démarche par la réalisation d’un « plan départemental de sauvegarde » volontariste, comme les communes disposent de leurs plans communaux de sauvegarde réglementaires, avec lesquels nous devrons d’ailleurs nous coordonner. »
Le devenir de la foret