Emmanuel Macron a fait des annonces fin mars, lors de la présentation du Plan Eau sur une « accélération » à venir en matière de réutilisation des eaux usées traitées. Deux objectifs ont été dessinés : 1000 projets de « REUT » d’ici à 2027 et un taux de réutilisation des eaux sortant des stations d’épuration françaises porté à 10 % en 2030. Un décret qui vient de paraître est la première traduction de cette ambition. Mais les avancées se révèlent timides.

Enfin le grand soir pour la réutilisation des eaux usées ? Hélas, non, pas tout à fait. Le gouvernement a eu beau mettre le paquet sur la communication pour accompagner la sortie du décret « accélérant la réutilisation des eaux usées traitées » paru au Journal Officiel le 30 août, ce texte n’est pas celui qui va lever tous les blocages, dégager la route et entraîner la prolifération espérée des projets de « Reut ».

Certes, ce décret apporte des assouplissements aux procédures. Il s’agit de la suppression de la limitation de durée d’autorisation des projets à un maximum de 5 ans, de la simplification de l’instruction des dossiers par un avis simple et non plus conforme des agences régionales de santé, et de l’augmentation du volume des eaux réutilisables grâce, entre autres, à la levée d’un cloisonnement départemental qui empêchait d’employer des eaux usées traitées produites dans un département sur un département voisin. Ces changements étaient réclamés de longue date par les acteurs du secteur, et promis par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, depuis des mois, avant même la présentation du « Plan Eau » fin mars.

« En cela, bien sûr, ce décret va dans le bon sens. Disons qu’il témoigne d’un effort pour lever certains obstacles, en abrogeant des réglementations datant de 2022 qui, à l’évidence, n’étaient pas abouties, observe Nicolas Condom, président du cabinet de conseil et d’ingénierie Ecofilae, expert de la réutilisation des eaux. Mais l’essentiel n’y est pas encore. Le gros enjeu règlementaire du moment réside dans la mise en adéquation des dispositions françaises datant de 2010 et 2014 sur l’arrosage des espaces verts et golfs et l’irrigation agricole avec le règlement européen adopté en juin 2020… Notre réglementation évolue très lentement, de façon timide et parcellaire. C’est malheureusement souvent le fruit d’un empilement et non un cadre cohérent ».

Dans l’attente d’arrêtés ministériels

Le projet d’adaptation des arrêtés ministériels de 2010 et 2014 sur l’irrigation et l’arrosage au nouveau règlement européen, dans les cartons depuis trois ans, a été présenté aux acteurs institutionnels et professionnels réunis dans le groupe de travail « Eaux non conventionnelles » animé par l’Astee (lancé à l’initiative des ministères de la Transition écologique et de la Santé après les Assises de l’eau pour travailler, précisément, sur la levée des freins à la REUT et identifier les leviers pour développer cette solution) qui a produit plusieurs observations.

Le décret publié le 30 août doit « très prochainement », selon le communiqué de presse du ministère de la Transition écologique divulgué le même jour, être « complété par des arrêtés ministériels » qui préciseront, notamment, les seuils et conditions d’utilisation pour les usages agricoles et l’arrosage des espaces verts. A ce titre, leur intérêt dépasse de très loin celui du décret en lui-même. Contrairement aux promesses gouvernementales, ces arrêtés n’ont finalement pas été publiés en même temps que le décret. Les professionnels les attendent donc toujours de pied ferme.

Par ailleurs, deux autres paquets de textes manquent encore à l’appel. Ils sont « en cours de finalisation » selon le cabinet de Christophe Béchu. L’un concerne l’industrie agro-alimentaire et devrait permettre de lever un gros tabou sur la réinjection d’eaux non conventionnelles dans les eaux de process industrielles, pour des applications de nettoyage par exemple (évidemment pas pour la fabrication des produits en eux-mêmes). L’autre concerne les usages domestiques.

Le gouvernement accélère (lentement) sur la réutilisation des eaux usées