SUD-OUEST du 2 mai : Téléphones qui chauffent et portes qui claquent… Retour sur une semaine d’intenses négociations à gauche. Si l’accord n’est pas abouti, certains de ses contours se précisent
Comme le veut la formule consacrée, à l’heure où nous « mettions sous presse », l’union à gauche était encore partielle. Seule Europe Écologie-Les Verts (EELV) avait signé un accord avec La France insoumise (LFI) en vue des élections législatives. Et comme les premiers signataires sont les premiers servis, EELV a décroché trois circonscriptions en Gironde : le Libournais, Bordeaux-Centre et Bordeaux-Nord. Dans cette partie de poker entamée au lendemain du premier tour de la présidentielle, le PS et le PC n’ont pas encore abattu toutes leurs cartes.
Retournement
En Gironde, LFI a désigné deux négociateurs : Loïc Prud’homme, député sortant de la 3e circonscription et candidat à sa succession, et Guillaume Latrille, conseiller d’opposition à Villenave-d’Ornon. En l’espace de quelques heures, ils ont vécu un curieux retournement. Pendant une grande partie du mandat, le monde politique local les a tenus soigneusement à l’écart. Au lendemain du premier tour, « ils ont retrouvé notre numéro de téléphone », grince Guillaume Latrille.
Pas de fusion-absorption
La semaine dernière, les téléphones se sont vite mis à sonner. L’accueil fut cordial. Mais, très vite, les lignes de fracture qui parcourent les Verts et le PS ont réapparu. De leur côté, les écologistes ont pris langue avec les Insoumis. Nicolas Thierry est en première ligne, en Gironde puis à Paris ; Clément Rossignol, le maire EELV de Bègles, est présent en « autorité morale ». Lui n’entrera en scène que sur la fin. Et tant pis si ça grince du côté de Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux.
« Pas de rancœur, pas de rancune, soyons à la hauteur des attentes de la gauche »
Au fond, ce sont toutes les règles non écrites de la politique girondine qui ont été battues en brèche durant cette séquence : primat de la ville-centre, poids des « grands élus » urbains… Une page est en train de se tourner. La situation du PS en est l’appartement témoin.
Le plus discret des « grands élus » a donc pris l’initiative : Jean-Luc Gleyze, président du Département, a publié un communiqué appelant à l’union des gauches, avant de rencontrer les Insoumis, avec le sénateur sud-girondin Hervé Gillé ou en tête-à-tête. « Il s’agit de voir ce que nous avons en commun. Je travaille pour les forces de gauches. L’enjeu, c’est de s’entendre pour gagner le plus de circonscriptions en Gironde. Ce n’est pas une fusion-absorption. Il n’est pas question de laisser au RN la vertu d’être le seul contre-pouvoir à l’assemblée », plaide Gleyze. Les hommes se connaissent. LFI avait tenté de trouver un accord avec lui aux départementales. Cela n’avait pas abouti.
Table rase
De ce passé, LFI fait table rase. Jean-Luc Gleyze devient l’interlocuteur, causant une crise d’urticaire dans « l’autre » PS. Faute de parti en état de marche, Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole, met un pied dans la porte. Il refuse de voir la 6e circonscription (qui compte Mérignac, dont il est maire) être une monnaie d’échange : « Identifions les meilleures candidatures uniques en tenant compte des résultats qui ont marqué le succès de LFI et des députés sortants, mais aussi de la réalité des territoires. » Il a rencontré LFI pour poser le sujet sur la table. Sans grand espoir. « Le sujet, c’est de savoir si on est favorable à l’économie de marché avec des correctifs sociaux, ou si on est anticapitaliste », résume-t-il. Une question de fond qui ne possède pas ce caractère d’urgence d’une négociation électorale. Alain Rousset, président PS de la région, y a répondu. Et s’est tenu à bonne distance de ce tourbillon.
« C’est le moment de la grande clarification », explique Loïc Prud’homme. En parallèle, des échanges ont lieu avec le Parti communiste (PCF), via Sébastien Laborde. Le passif entre les deux formations est lourd. Le PCF se rend « disponible » dans la 1re circonsciption (Bordeaux-Nord) et la 11e (Blayais). LFI les verrait mieux sur le bassin d’Arcachon…
Si accord global à gauche il y a, il reste à le faire atterrir chez les militants, brusqués ou sidérés par ce grand bouleversement de la gauche girondine. Déjà, dans les rangs Insoumis ou au PS, des candidatures « dissidentes » s’organisent.