RUE 89 : Après Paris, Lille et Lyon, Bordeaux rejoint le dispositif d’expérimentation d’encadrement des loyers. En vigueur à compter du 15 juillet 2022 pour tous les nouveaux baux signés dans le parc locatif privé, il vise à endiguer les loyers excessifs. La mesure doit « préserver le pouvoir d’achat des ménages », permettre aux familles et aux ménages modestes de se loger à Bordeaux, et lutter contre la spéculation immobilières.

« Les propriétaires qui profitent de la tension sur le marché pour engranger des revenus plus importants, au détriment de leurs locataires, devront changer leurs pratiques », a prévenu Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, lors d’une conférence de presse de présentation du dispositif d’encadrement des loyers, ce jeudi 23 juin.

Mardi 21 juin, la préfecture de la Gironde a publié un arrêté officialisant cette expérimentation à Bordeaux. Tous les logements du parc locatif privé, soit la moitié du parc de la ville, seront concernés à compter du 15 juillet prochain. Mais la mesure n’est pas rétroactive : elle s’applique seulement à la signature de nouveaux contrats de location à compter de cette date. Autorisée par la loi ELAN de novembre 2018, l’expérimentation sera en vigueur jusqu’en 2026.

Les objectifs affichés sont notamment de « contrer les pratiques abusives de fixation de loyers élevés dans le parc privé afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages », et de « permettre aux familles qui s’agrandissent de rester dans la ville centre si elles le souhaitent ».

La métropole donne l’exemple d’un logement de 5 pièces, dont la valeur de marché est de l’ordre de 1 330 € (pour 90 m² dans l’hypercentre), qui peut actuellement être loué en colocation à 4 étudiants pour 500 € chacun, soit un loyer total de 2 000 €. Un tel prix « écarterait de nombreuses familles également en recherche de biens de ce type ».

Mode d’emploi

Or l’encadrement des loyers, par la fixation d’un loyer médian de référence et d’un loyer plafond (loyer de référence majoré), « permet d’identifier et de prévenir une telle pratique ».

C’est l’Observatoire local des loyers (OLL) de l’agglomération de Bordeaux, géré par l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine (a’urba), qui fournira à la préfecture les données permettant à la préfecture d’établir trois niveaux de loyers : un loyer de référence, calculé selon le type de logement et la localisation, un loyer plafond (dit de référence majoré, supérieur à 20% au loyer médian) et un loyer de référence minoré (inférieur à 20 au loyer médian.

Le loyer (sans les charges) doit donc être établi par le propriétaire dans la limité du plafond majoré, données tenus de figurer dans le bail. En cas de désaccord sur son montant, le locataire ou le propriétaire peuvent saisir la commission de conciliation, placée auprès du Préfet et composée à parts égales de représentants des bailleurs et de représentants des locataires. Sans accord à l’amiable, le tribunal judiciaire est susceptible d’être saisi et d’ordonner le remboursement des trop perçus.

Si le Préfet constate qu’un bail ne respecte pas le loyer de référence majoré prévu par arrêté, il peut adresser un courrier de mise en demeure au bailleur et engager une procédure d’amende à son encontre (d’un montant maximum de 5 000 € pour une personne physique t 15 000 € pour une personne morale).

Des loyers de références par micro-quartiers

À Bordeaux, l’arrêté préfectoral prévoit quatre zones. Dans chacune d’elles, les critères du loyer de référence varient. Par exemple, dans la zone 1 (hypercentre), pour un appartement d’une pièce construit avant 1946 le loyer de référence est de 18 euros/m2.

Dans la Zone 3 (Bastide Nord, Bacalan…), le loyer de référence est de 11,70 €/m² pour un appartement vide T2 construit dans les années 80, tandis que dans la Zone 4 (Bassins à flot par exemple) il est de 12,20 €/m² pour un appartement meublé T3 construit après les années 90.

À compter du 5 juillet, un simulateur de loyers sera accessible en ligne (https://simulateur-loyer.bordeaux-metropole.fr) pour permettre aux propriétaires et locataires de connaître le montant du loyer de référence s’appliquant à leur logement.

Outils de régulation

Alain Anziani, président de la Métropole, a présenté cette mesure comme une « réponse à une problématique majeure » dans un contexte de crise du pouvoir d’achat :

« Nous manquons de logements et les logements sont de plus en plus chers. Les salaires n’augmentent pas, le taux de pauvreté a atteint 14% dans la métropole. La métropole bordelaise est la cinquième la plus chère de France en termes de loyers. Il y a aussi un effet de décohabitation qui s’amplifie. »

L’expérimentation vise également à « freiner la flambée des prix en limitant la hausse du loyer d’un logement lors de sa remise en location y compris après de gros travaux (condition permettant de se soustraire à l’encadrement de l’évolution des loyers conditionné chaque année à l’Indice de Référence des Loyers, IRL), ou du renouvellement du bail ».

L’entrée en vigueur de l’encadrement des loyers vient compléter d’autres outils de régulation déjà mis en place dans certaines zones, à l’instar du permis de diviser et du permis de louer. Sur ce dernier point, depuis le 1er janvier 2022, 1130 dossiers de permis de louer ont été instruits sur l’ensemble de la métropole.

Parmi eux, 630 concernent uniquement la ville de Bordeaux. Sur l’ensemble de ces dossiers, 130 anomalies ont été repérées, « ce qui a conduit à des prescriptions de travaux de remise aux normes », a précisé Stéphane Pfeiffer, adjoint au logement. 6 dossiers ont abouti à un refus de location.

L’encadrement des loyers effectif dès le 15 juillet à Bordeaux