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Editorail du MONDE du 25 février : Une meilleure prise de compte de l’état des sols et un soin plus attentif accordé à la biodiversité deviennent des impératifs pour une agriculture plus résistante. Ces objectifs impliquent la vigilance en matière de traités commerciaux.

La « plus grande ferme de France » vient d’ouvrir ses portes comme chaque année à Paris. Evénement populaire et prisé, le Salon de l’agriculture alimente un imaginaire national qui ne cesse pourtant de s’éloigner d’une réalité aux contours de plus en plus incertains. Elle concerne en premier lieu les agriculteurs eux-mêmes. Un demi-siècle après la fin d’une civilisation paysanne prédite par le sociologue Henri Mendras, l’agriculture française amorce une nouvelle mutation, marquée par la contraction du modèle de l’exploitation familiale transmise de génération en génération. L’ancien schéma y associant un couple ne concerne déjà plus que 19 % des agriculteurs, selon l’Insee.

Dans les dix ans qui viennent, environ 200 000 des 398 000 chefs d’exploitation prendront leur retraite, dont une majorité sans succession assurée. Ils seront remplacés par d’autres modes de production, liés au développement de véritables entreprises agricoles et au recours à la sous-traitance.

Cette évolution remet en cause le rôle des agriculteurs en tant qu’acteurs centraux de l’espace rural, comme le notent les sociologues Bertrand Hervieu et François Purseigle, dont le dernier ouvrage, publié en 2022, annonce, provocateur, « une agriculture sans agriculteurs ». Désormais marginalisés, y compris à l’échelle communale, qui a été longtemps leur bastion, ils subissent une remise en cause sans précédent de leurs pratiques.

Aléas climatiques plus nombreux

Les conflits naissants autour de la gestion de la ressource hydrique ne sont que les derniers exemples d’une impasse. Elle oppose un corporatisme agraire, d’autant plus conservateur qu’il est sur la défensive, aux tentations de diktats de nouveaux acteurs qui nient avec superbe la complexité de la transition indispensable vers une agriculture durable et responsable. Cellevers laquelle l’Union européenne veut aller avec la stratégie dite « de la ferme à la fourchette » (Farm to fork), qui est un des éléments de son Pacte vert.

Cette transition s’insère dans une équation complexe. L’invasion par la Russie de l’Ukraine, l’un des greniers à blé du monde, a mis en évidence les injonctions contradictoires adressées aux agriculteurs. Ces derniers sont sommés à la fois de produire mieux, y compris si cela entraîne une baisse de la production, tout en garantissant une souveraineté alimentaire déjà mise à mal. C’est notamment le cas, en France, du poulet produit à bas coût, dont 45 % de la consommation est importée.

Les tensions autour de l’agriculture peuvent apparaître aussi désespérantes que stériles. Quelques vérités s’imposent pourtant. La transition vers une agroécologie ne relève plus du choix. Le plafonnement des rendements de blé qui découle, selon l’Inrae, d’aléas climatiques toujours plus nombreux en témoigne. Une meilleure prise de compte de l’état des sols, un soin plus attentif accordé à la biodiversité deviennent des impératifs pour une agriculture plus résistante.

Ces objectifs impliquent la vigilance en matière de traités commerciaux. L’ambition de durabilité à l’intérieur des frontières européennes n’a aucun sens si elle s’accommode d’importations produites selon des standards inférieurs en matière d’environnement. La transition nécessite également pour les agriculteurs de meilleurs revenus, afin de leur permettre de s’adapter alors qu’ils sont souvent le maillon faible de la chaîne de valeur alimentaire. Les agriculteurs ont besoin d’un pacte national, pas d’une guerre de religion.

Les impératifs de la transition agricole