15 ans pour rien. Telle est l’amère sensation ressentie après la conférence de presse donnée le 1er février dernier par Gabriel Attal. Le premier ministre a annoncé la « mise en pause » du plan Écophyto, programme de réduction des pesticides lancé en 2008, sous Sarkozy.
Le plan visait initialement la réduction de moitié des pesticides pour 2018. Puis Écophyto 2 en 2015 a repoussé l’échéance à 2025… avant qu’un nouveau plan Écophyto 2+, acté en 2018, ne décale l’objectif à 2030.Cette mise en suspens figurait dans la liste de revendications publiée par la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire. La colère contre les « normes » a donc porté ses fruits pour la toute-puissante organisation agroproductiviste.Mais cette décision de Matignon masque mal une des revendications majeures portées par les agriculteurs et agricultrices mobilisé·es : la rémunération décente de leur travail au sein d’une profession où le revenu moyen est inférieur au Smic.
Elle signe surtout la radicalisation d’un productivisme qui, au pied du mur climatique, préfère s’entêter à ériger des mégabassines pour privatiser la ressource en eau et empoisonner la santé des paysan·nes comme celle de nos écosystèmes.Image EDITOLe dernier clou du cercueil de l’écologie a été planté par Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission européenne a, hier, mardi 6 février, annoncé le retrait du règlement sur les pesticides, qui imposait une réduction de moitié de leur usage d’ici à 2030. Alors que le projet de texte avait été torpillé par le Parlement européen en novembre 2023, les discussions entre États membres s’enlisaient péniblement. Qui plus est, la gronde agricole contre les « normes imposées par Bruxelles » n’était pas circonscrite qu’à la France, puisqu’elle a aussi agité les Pays-Bas, l’Allemagne ou encore l’Espagne.Ce règlement sur les pesticides incarnait pourtant l’un des axes majeurs du Green Deal, ce « Pacte vert », feuille de route fixée par la Commission européenne pour lutter contre les dérèglements climatiques et la chute de la biodiversité.Si, au prix de renoncements écologiques, Ursula von der Leyen ou Gabriel Attal sont parvenus à juguler la révolte, ils ont surtout réussi à reporter une des questions essentielles de ce siècle : comment produire dans un monde qui brûle ?
Triste ironie, le lendemain de l’annonce de la mise en pause du plan Écophyto, des légumes vendus dans les supermarchés Leclerc de plusieurs départements faisaient l’objet d’un rappel pour cause de dépassement des limites autorisées de pesticides.


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Pesticides : le coup de grâce de l’Europe