Le Plan de sobriété énergétique a été présenté jeudi 6 octobre. Basé sur le travail de neuf groupes thématiques, dont un sur les collectivités territoriales, il propose toute une série de mesures pour réduire la consommation énergétique de 10% en deux ans. Reste maintenant à les mettre en place et à faire évoluer les comportements.
L’heure de la sobriété a sonné ! Le gouvernement a présenté ce jeudi 6 octobre son Plan de sobriété énergétique, qui a pour but de réduire notre consommation d’énergie de 10 % en deux ans. A court terme, l’objectif est de minimiser les risques de coupure d’électricité cet hiver et de réduire notre dépendance énergétique dans un contexte de réduction des importations de gaz russe. A long terme, il s’agit d’enclencher cette logique de sobriété qui est le principal levier pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Le plan propose plusieurs mesures qui peuvent s’appliquer à tout le monde, ainsi que des engagements spécifiques à chacun des neuf groupes de travail thématiques qui ont planché cet été, dont celui des collectivités territoriales.
Bâtiment : caler le chauffage sur 19°C, voire 18°C
Le bâtiment est le principal secteur concerné. Il est conseillé de fixer à 19 °C la température maximale de chauffage en journée, à baisser à 16 °C la nuit et à 8 °C lorsque le bâtiment est fermé plus de trois jours. Pour les bureaux, il est demandé à tous les acteurs de mieux faire connaître et appliquer ce principe, en s’appuyant notamment sur des ambassadeurs. « Cela implique aussi d’enlever les radiateurs individuels présents dans les bureaux », rappelle-t-on au gouvernement, en soulignant qu’un degré de chauffage économisé représente 7 % d’économie d’énergie.
Pour le gouvernement, ces règles n’ont pas vocation à s’appliquer dans certains locaux comme les établissements de santé ou les crèches, où la température sera plus élevée. A l’inverse, dans les gymnases, ateliers, zones de logistique, endroits passants (tels que les gares), la température pourra être moins élevée.
En été, l’idée est de limiter la température de climatisation à 26°C. Et d’une manière générale, il est recommandé d’arrêter la ventilation dans les bureaux, salles de réunion, bâtiments d’entreprise ou tertiaires qui sont inoccupés, ce qui permet de diviser par deux la facture de la ventilation.
Installer un outil de gestion technique du bâtiment
Pour assurer un pilotage aussi fin, il est recommandé de mettre en place un système d’automatisation et de contrôle des bâtiments (BACS), qui agira sur le chauffage, mais aussi sur l’éclairage intérieur (exemple : adaptation de l’éclairage en fonction de la lumière extérieure). Le gouvernement réfléchit d’ailleurs à étendre l’obligation d’installer une BACS à tous les bâtiments tertiaires équipés de chauffage ou de refroidissement d’une puissance supérieure à 70 kW, avant l’échéance prévue en 2027.
Il est aussi question de décaler de quinze jours le début et la fin de la période de chauffe quand cela est possible et quand la température extérieure le permet. Ou encore de réduire l’utilisation de l’eau chaude sanitaire dans les bureaux et, notamment, dans les toilettes. « En dehors des usages pour lesquels l’eau chaude est indispensable (douches, par exemple) et lorsque les conditions le permettent, les gestionnaires auront la possibilité d’arrêter l’eau chaude sanitaire. » Une mesure qui est déjà appliquée en Allemagne depuis longtemps, explique-t-on au gouvernement.
Mobilités : privilégier les mobilités décarbonées
Dans le domaine des mobilités, pour inciter au covoiturage, un bonus a été mis en place pour tout nouveau covoitureur qui s’inscrit sur une plateforme de covoiturage. Il est aussi recommandé de déployer le forfait mobilités durables. Afin de montrer l’exemple, l’Etat va faire passer le montant du forfait mobilités durables proposé à ses agents de 200 à 300 euros par an (80 000 agents de l’Etat en bénéficient actuellement).
D’autres grands principes — qui pourraient, au fil du temps, devenir la norme dans les collectivités et les entreprises — sont rappelés : favoriser le train plutôt que l’avion pour les trajets professionnels de moins de quatre heures, prendre le train et les transports en commun plutôt que la voiture.
Dix mesures pour les collectivités
Pour les collectivités, outre les règles générales sur le bâtiment, plusieurs mesures spécifiques sont évoquées, notamment les dix actions de sobriété qui ont été proposées par l’Association des maires de France (AMF), Intercommunalités de France, Amorce et la Banque des territoires dans un guide.
L’éclairage public représente 12 % des consommations d’énergie et 31 % des dépenses d’électricité. Il est donc grand temps de les rénover, car 45 % des points lumineux ont plus de 25 ans, et seuls 10 % sont équipés d’ampoules LED (qui affichent 40 à 80 % d’économies avec un retour sur investissement complet entre quatre et six ans). Autres propositions : éteindre les lumières à certaines heures, réduire l’intensité lumineuse. Le gouvernement souligne aussi que sur un sujet connexe, un tout récent décret permet aussi à tout maire d’imposer l’extinction des enseignes et publicités lumineuses entre 1 heure et 6 heures du matin.
Pour le chauffage des équipements sportifs, la préconisation est d’abaisser de 2 °C la température de chauffe dans les gymnases et de 1 °C pour l’eau des piscines et centres aquatiques, « comme le recommande l’Association nationale des élus du sport », explique le gouvernement.
Pour optimiser le chauffage de tous les bâtiments, les collectivités sont invitées à regrouper les services publics dans les locaux les mieux adaptés pour réduire le nombre de mètres carrés chauffés, quitte à les utiliser sur de plus grandes plages horaires.
Côté finances, outre son fonds vert, l’Etat a évoqué le programme Actee 2 porté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies et qui est doté de 110 millions d’euros ; il aide les collectivités à se lancer dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments publics en finançant la réalisation d’audits énergétiques (18 000 réalisés à mi-2022), l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) ou encore l’emploi d’un économe de flux. Ce programme vient d’être prolongé avec une nouvelle enveloppe de 220 millions d’euros ciblant l’éclairage public (Lum’actee), la rénovation des piscines (Act’eau), ou encore les bâtiments classés ou de santé et les expériences d’effacement (Eff’actee) ou de sobriété.
Sobriété : deux décrets pour éteindre les publicités et fermer les portes
Les deux textes qu’avait annoncés, l’été dernier, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, ont été publiés au Journal officiel du 6 octobre. L’un harmonise dans toutes les communes les règles d’extinction nocturne des publicités et enseignes lumineuses, l’autre oblige la fermeture des portes lorsque les locaux sont chauffés ou refroidis. Dans les deux cas, c’est au maire de contrôler, et le cas échéant, de prononcer les amendes.
Les deux décrets que la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait annoncés fin juillet sont enfin parus au Journal officiel du 6 octobre.
Le premier modifie certaines dispositions du code de l’environnement relatives aux règles d’extinction des publicités lumineuses et aux enseignes lumineuses. Le second rend obligatoire, sous peine de sanction, la fermeture des ouvrants des locaux chauffés ou refroidis donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés ou refroidis.
A noter que ces deux textes sont plus ou moins issus de propositions de la Convention citoyenne pour le Climat, comme le précise le Conseil national d’évaluation des normes dans ses délibérations du 25 novembre 2021 pour le premier, et du 4 mars 2021 pour le second.
Harmonisation
Le premier décret harmonise les règles d’extinction nocturne des publicités lumineuses, notamment, des entreprises, établissements et commerces. Ainsi, et contrairement à ce que prévoyait la précédente réglementation (issue du décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012), les publicités lumineuses devront être éteintes la nuit, entre une heure et six heures du matin, que la commune soit couverte ou non par un règlement local de publicité et quelle que soit la taille de l’unité urbaine à laquelle elle appartient (les unités urbaines de plus de 800 000 habitants ne font plus exception).
Ce nouveau décret supprime ainsi l’article R. 581-75 du code de l’environnement, qui disposait que le règlement local des communes faisant partie d’une unité urbaine de plus de 800 000 habitants définit les obligations et modalités d’extinction des publicités lumineuses selon les zones qu’il identifie.
Sont exclues de cette interdiction les publicités lumineuses installées sur l’emprise des aéroports, et celles supportées par le mobilier urbain affecté aux services de transport et durant les heures de fonctionnement desdits services, à condition, pour ce qui concerne les publicités numériques, qu’elles soient à images fixes.
Le non-respect des règles d’extinction propres aux publicités lumineuses et aux enseignes lumineuses est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (1 500 euros au plus).
Les dispositions de ce décret sont d’application immédiate, sauf pour les publicités lumineuses supportées par le mobilier urbain : la règle s’appliquera à partir du 1er juin 2023.
Fermeture des portes
Le deuxième décret écrit de nouvelles dispositions relatives à l’exploitation des systèmes techniques des bâtiments. Il dispose ainsi que « les ouvertures de tout bâtiment, ou partie de bâtiment, dans lequel sont exercées des activités tertiaires marchandes ou non marchandes, y compris celui appartenant à une personne physique ou morale du secteur primaire ou secondaire, chauffé ou refroidi à l’aide d’un ou de plusieurs systèmes de chauffage ou de climatisation, au sens de l’article R. 175-1, donnant sur des espaces extérieurs ou sur une partie de bâtiment non chauffée ou refroidie, sont équipées de systèmes de fermeture manuels ou automatiques limitant les déperditions thermiques ».
Et lorsque ces locaux sont chauffés ou refroidis, ces systèmes de fermeture ne doivent pas, en condition normale d’exploitation, être maintenus ouverts par l’exploitant du bâtiment ou de la partie de bâtiment concerné, y compris pendant les heures d’ouverture aux usagers. Donc quand on allume son chauffage ou sa climatisation, il faut fermer les portes.
Ce décret s’applique aux bâtiments, ou parties de bâtiment, dans lesquels sont exercées des activités tertiaires marchandes ou non marchandes. Cela signifie que sont concernés aussi bien, par exemple, les commerces, les restaurants, ou encore les hébergements, que les administrations publiques (comme les mairies), les locaux d’enseignement, de santé humaine et d’action sociale.
Le contrôle du respect de cette règle relève de la compétence du maire de la commune du lieu d’implantation du bâtiment, agissant en qualité d’agent de l’Etat. En cas d’irrespect, le maire adresse à l’exploitant du bâtiment ou de la partie de bâtiment une mise en demeure de se conformer aux obligations qui lui incombent et l’invite à présenter ses observations dans un délai qui ne peut excéder trois semaines.
A l’issue de ce délai, s’il constate la persistance du non-respect de ses obligations par l’exploitant, le maire peut prononcer à l’encontre de ce dernier une amende administrative d’un montant maximal de 750 euros.
Mais cette disposition ne s’applique pas lorsque des exigences de renouvellement d’air intérieur le nécessitent afin de prévenir les risques mentionnés à l’article L. 153-2 ou lorsque les recommandations des autorités sanitaires le préconisent.
La crise énergétique révèle aussi l’urgence à rénover le bâti scolaire
Confrontés à la hausse inexorable des prix de l’énergie frappant notamment leurs écoles, les élus locaux parent au plus pressé en visant les gisements d’économies d’énergie. Comme toute crise, la situation actuelle peut être l’occasion de voir plus loin… ce que la réalité budgétaire rend toutefois délicat.
À l’heure du déjeuner, deux élus locaux trinquent « aux prix de l’énergie ». Ils dissertent, bien sûr, au second degré, car la boisson a un goût amer. La scène se déroule mercredi 28 septembre 2022, à Rennes (Ille-et-Vilaine), au congrès de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). La flambée des prix de l’électricité et du gaz y est sur toutes les lèvres. À quelques pas de là, le maire de Beaujeu (Rhône), Sylvain Sotton, affirme être « très très inquiet ».
« Les perspectives font peur »
Il achète l’électricité dans le cadre d’un groupement de commandes mené par le Syndicat départemental d’énergies du Rhône (Syder). Le contrat arrive à échéance à la fin de l’année.
« On est donc en train de renouveler nos marchés et les perspectives font peur », commente Sylvain Sotton. Le gaz est, pour lui, un sujet encore plus brûlant, car sa commune de 2 100 habitants sera alors seule face aux fournisseurs potentiels. Par conséquent, en moins bonne position pour négocier.
Dans le brouillard concernant ses futures factures, le premier magistrat de Beaujeu fait face au présent avec les moyens du bord. Des thermomètres ont été achetés pour être installés dans chaque pièce des deux écoles, et la municipalité cherche une solution domotique permettant de régler les chaudières à distance et, pendant les vacances scolaires, de baisser le niveau dans les classes tout en maintenant le chauffage à la bibliothèque et à la cantine, qui serviront, elles, au centre aéré.
L’élu envisage de fermer des équipements, comme des salles de sport, pour « se concentrer sur l’essentiel, les écoles et la mairie », où les réunions des associations se tiendront désormais.
« En mode panique »
Egalement président des maires ruraux du Rhône, Sylvain Sotton observe que la hausse des coûts de l’énergie est une inquiétude partagée par tous ses collègues du département. La situation est identique dans le Loiret, où la présidente, cette fois, de l’association des maires, Pauline Martin, confie que ses homologues sont « en mode panique » sur la problématique énergétique.
« J’en entends parler tous les jours », complète-t-elle. Aussi prépare-t-elle, avec le concours de l’ADIL, un vade-mecum des bonnes pratiques à destination des élus. Dans sa commune de Meung-sur-Loire, qui compte 6 500 habitants, dont 700 élèves, elle a fait passer des notes aux enseignants leur demandant d’être « plus vigilants » sur l’allumage des classes et le recours au chauffage.
Elle et son adjoint rappelleront le message à l’occasion des conseils d’école en octobre. « On passe notre temps à parler d’écogestes et d’écocitoyenneté pour les enfants, on va pouvoir mettre cela en pratique », commente-t-elle.
Un autre monde
Maire de Saint-Juvat (Côtes-d’Armor), commune de 650 habitants, Dominique Ramard verrait bien, lui aussi, les enseignants profiter du contexte pour réaliser un « travail pédagogique avec les enfants, qui ne vont pas vivre dans le même monde que nous ».
Mais il « pressent une difficulté à faire accepter les 19 degrés en classe ». Alors, il entend « présenter à chaque conseil d’école le niveau de consommation en kilowatts-heure et en euros, afin que l’appropriation soit complète ».
« Quel niveau de dépenses une commune peut-elle s’autoriser à payer dans une recherche d’équilibre entre le confort et son budget ? » interroge-t-il, alors que sa facture d’électricité augmentera de plus d’un tiers cette année.
« On nous dit 19 degrés, mais ce n’est pas chaud pour des enfants qui sont assis et ne bougent pas », estime le maire de Saint-Genou (Indre), Roger Chevreton. Tout en se disant préoccupé des conséquences, sur les capacités d’investissement de sa commune, de factures d’électricité et de gaz qui s’envolent, en étant multipliées par trois, voire quatre.
Attention à ne pas trop baisser
À Hazebrouck (Nord), ville de 22 000 habitants, le conseiller municipal en charge du patrimoine immobilier, Hervé Delva, se félicite que les écoles, reliées au chauffage urbain de la ville, « soient préservées » de l’évolution à la hausse des prix de l’énergie « dans les proportions délirantes » que connaissent d’autres communes, même si le bois augmente lui aussi. D’autant que, datant des années 1960, leurs consommations souffrent d’une mauvaise isolation.
Hervé Delva a demandé à l’exploitant de bloquer la température à 19 degrés, sauf pour les lieux dédiés à la petite enfance, et « d’optimiser les consommations en fonction des horaires d’ouverture », par exemple en réduisant le niveau le week-end. « Mais attention à ne pas tomber dans le travers de trop abaisser, donc de refroidir les bâtiments, au risque de perdre l’économie réalisée au moment de relancer le chauffage », alerte-t-il. L’observation vaut aussi en semaine au moment d’aérer les salles pendant les interclasses, une nécessité renforcée par la remontée de l’épidémie de Covid.
« À toute chose, malheur est bon »
La situation actuelle « est un encouragement à mener des investissements en matière de rénovation de nos bâtiments », juge Pauline Martin, qui en tire donc un côté positif, car « à toute chose, malheur est bon ».
« Une crise, ça sert aussi à ça, poursuit-elle. On n’a probablement pas été bons élèves. Il faut qu’on ait le nez dedans pour s’y mettre… même si c’est au moment où on subit des hausses phénoménales lors des ouvertures de plis sur nos marchés publics. »
Le maire de Portet-sur-Garonne (Haute-Garonne), Thierry Suaud, qui préside le syndicat départemental d’énergie (SDEHG), y voit aussi l’occasion de défendre auprès des communes adhérentes la cause des énergies renouvelables, en l’espèce, le photovoltaïque, en vue de produire à des fins d’autoconsommation. « La crise peut faire naître de nouvelles vocations », glisse-t-il.
« Nous sommes confrontés à un cercle vicieux, constate cependant Sylvain Sotton. « Ma commune ambitionne de devenir Territoire à énergie positive (Tepos) d’ici à 2050, développe-t-il, et nos ressources limitées nous contraignent à avancer étape par étape. Mais si notre budget ne permet plus d’investir en raison de la hausse effrénée des dépenses énergétiques… »