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Des panneaux solaires sur les parkings, dans les champs et sur tous les toits : c’est le nouvel objectif de la France mais qui les fabriquera ? En France et en Europe, les usines ont été laminées par une intense concurrence internationale, aujourd’hui chinoise, demain peut-être américaine.

La loi d’accélération des énergies renouvelables votée cette semaine au Parlement fixe le cap à plus de 100 gigawatts (GW) d’énergie solaire à l’horizon 2050, cinq fois plus qu’aujourd’hui: « c’est très bien du point de vue citoyen », « un bon signal », « de toute façon favorable », applaudissent les industriels interrogés par l’AFP.

« Mais la loi n’offre pas de différenciation pour les industriels locaux », redoute Paul Toulouse, directeur général de Systovi, fabricant de modules à Carquefou près de Nantes. Il résiste grâce à de l’innovation, des certifications et le soutien d’un actionnaire militant, le groupe Cetih.

Il vient d’inaugurer une nouvelle ligne de production. Mais avec 90 salariés, 20 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, il reste un nain en comparaison des sites chinois qui produisent en un jour ce qu’il fabrique en une année.

« Ce sont donc surtout les industriels asiatiques, en l’occurrence chinois, qui vont disposer d’opportunités de ventes additionnelles en France », dit-il.

Marché totalement ouvert

Comme ses collègues, il espère voir arriver rapidement des règles et des aides pour s’affranchir de la domination chinoise et ne pas rester à la traîne face aux Etats-Unis et à l’Inflation Reduction Act, le plan climat de Joe Biden aux mesures favorisant l’industrie américaine.

La Chine réalise déjà 95% des panneaux photovoltaïques distribués en Europe.

L’Asie, en général, réalise aussi la majeure partie de la première étape de fabrication des panneaux solaires, à savoir la production dans des fours très chauds du cristal de silicium qui, une fois épuré et découpé en fines tranches, donne naissance à des cellules capables de transformer des photons provenant de la lumière en électrons.

La dernière étape de fabrication, l’assemblage du module dans lequel les cellules sont protégées par des couches de colles liquides, un verre de face et un cadre aluminium, est encore effectuée sur le sol européen.

Avec les prix de l’électricité qui s’envolent, le marché européen n’a jamais été aussi porteur.

« On est sur une dynamique qui s’est redressée après les années noires 2015-2017 », observe Ian Bard, directeur technique et commercial chez Solarwatt France, filiale d’un fabricant allemand qui a doublé son chiffre d’affaires en 2022. Solarwatt produit à Dresde en Allemagne pour le haut de gamme, et en Asie.

Il prévient: « Si les législateurs restent sur la position d’avoir un marché totalement ouvert, à l’inverse de ce que font les Etats-Unis, on restera sur le schéma d’aujourd’hui, avec des fabricants européens qui seront doublés sur les gros volumes par des fabricants plus attractifs en terme de prix ».

Derniers des Mohicans

Cela se joue au centime près. Et pour le Lyonnais Pierre-Emmanuel Martin, qui porte avec des associés le projet Carbon d’une giga-usine de panneaux à 1,3 milliard d’euros, il y a également danger.

Outre « la Chine qui domine outrageusement » et les Etats-Unis « qui émergent », il cite la concurrence de l’Inde, et dans une moindre mesure l’Indonésie et la Turquie.

« Installer des panneaux, ce n’est pas les fabriquer » et « la loi ne traite pas la question industrielle, c’est le prochain combat », dit-il en référence au projet de loi Industrie verte préparé par le gouvernement.

Le texte « Industrie verte » est censé faire les beaux jours du « made in France » avec tout un arsenal de mécanismes fiscaux, réglementaires et de critères d’achat.

Du protectionnisme à peine déguisé ? La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher s’en défend mais estime « loyal » de se passer des usines chinoises qui ont bénéficié d’aides d’Etat.

A Carquefou, Paul Toulouse qui se décrit comme « l’un des derniers des Mohicans » a dans ses cartons un plan d’investissement de 17 millions d’euros. Cela permettrait de multiplier par huit les capacités de production de Systovi : « mais la visibilité n’est pas suffisante pour que ce soit un investissement prudent », juge-t-il pour l’instant.

Plus d’énergie solaire en France mais avec quels panneaux ?