La Commission nationale du débat public (CNDP) vient de remettre au gouvernement son rapport sur la consultation menée par ce dernier sur le thème « Notre avenir énergétique se décide maintenant. » A travers plus de 30 000 contributions et des réunions publiques se dessine le portrait d’une population profondément partagée sur les options à privilégier pour mettre en place une transition énergétique dont la nécessité n’est, elle, pas contestée.

L’exercice avait été lancé conjointement, en octobre 2022, par la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et son collègue chargé du Renouveau démocratique, Olivier Véran, quelques mois après avoir été annoncé par le président de la République, Emmanuel Macron, à Belfort, au cœur d’un discours mettant en scène les « chantiers préparatoires » à la relance d’un programme nucléaire.

Les garants de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur la concertation nationale sur le mix énergétique, qui s’est achevée en février, au terme d’un processus de trois mois et demi, ont remis jeudi 9 mars 2023 leur rapport final  aux deux ministres concernés. « Un exercice démocratique réussi », a commenté Agnès Pannier-Runacher. Un processus « passionnant, quand des milliers de participants, une petite France en quelque sorte, discutent entre eux dans le calme et la bienveillance », a appuyé Olivier Véran.

Des regards divergents, parfois aux antipodes

Dans leur rapport de quelque 160 pages, les représentants de la CNDP, missionnés par la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne, pour « s’assurer du bon déroulement des opérations », dressent le bilan d’une consultation qui, à travers ses 31 353 contributions déposées sur le site du ministère de la Transition énergétique, ses douze réunions publiques dans chacune des régions, hormis la Corse et les départements, régions et collectivités d’outre-mer (DROM-COM), objets d’un traitement spécifique car zones non interconnectées (ZNI) et son forum des jeunesses, organisé à Paris, a mis en lumière des regards divergents, parfois aux antipodes, sur les multiples thématiques abordées, bien au-delà de la seule production énergétique. Par exemple, dans la manière d’envisager la sobriété.

Quand les jeunes « ont montré une tendance à privilégier la contrainte, seule manière d’avoir une prise immédiate sur le réel et donc de répondre à l’urgence d’agir, les autres publics tendent à privilégier des solutions moins imposées », observent ainsi les rédacteurs du document.

Métropoles vs petites villes et rural

Dans le même esprit, des divergences sont apparues, par exemple, sur la question du tourisme, certains participants proposant de « créer des passeports vacances, en limitant le nombre de kilomètres par an et par personne », tandis que d’autres « revendiquent le droit à des vacances et à la ‘‘découverte du monde’’ », illustre le rapport. En matière d’aménagement du territoire, « une forme de débat semble apparaître » entre investissement pour les métropoles et aménagement des zones rurales, petites et moyennes villes, relèvent les auteurs. « Si certains arguent la nécessité d’un retour au local en se tournant vers les petites unités urbaines et le monde agricole, explicitent-ils, d’autres estiment qu’il faut d’abord penser à l’aménagement des métropoles, où la concentration de la population est la plus forte. »

Les collectivités, « actrices à privilégier »

Concernant le mix énergétique, les garants notent la persistance d’un débat « polarisé » entre la production d’électricité d’origine nucléaire et celle issue de sources renouvelables. Ces dernières devant, selon certains, être « déployées largement sur le territoire pour tendre vers l’autonomie énergétique », alors que, pour d’autres, nucléaire et renouvelables « s’opposent, et investir dans l’un ne permet pas d’investir dans l’autre ». Relancer la filière nucléaire en menant un nouveau programme, maintenir les réacteurs existants dans l’optique d’une sortie progressive ou en finir rapidement avec ce mode de production, chacune de ces options rencontre ses adeptes.

Invités à se prononcer sur la gouvernance de la transition énergétique, les participants « identifient » les collectivités comme « les actrices à privilégier pour articuler les politiques nationales au niveau local et aménager le territoire ». « Cette volonté d’un renforcement de leur rôle permettrait de prendre en considération les spécificités », souligne le rapport. En relevant néanmoins des « controverses sur le niveau d’échelle : intercommunalité, département, région ou ville, entre tenants de l’unification d’un territoire et de spécificités plus fines au plus près des habitants ». À l’inverse, poursuivent les rédacteurs, l’opposition de certains à une implication des collectivités traduit « une volonté de centralisation des prises de décision, qui s’imposeraient à elles ».

 « Voilà ce qu’on prend, car gouverner, c’est choisir »

Dans une annexe de près de 90 pages, le rapport inventorie les centaines de propositions mises en ligne sur le site de la concertation. Dans les domaines les plus divers, de la fiscalité à la mobilité, de l’agriculture à l’éducation, etc. L’impératif de transition énergétique est largement partagé. Les garants invitent donc maintenant le gouvernement à se positionner entre, par exemple, ceux qui préfèrent l’incitation et les défenseurs de la contrainte pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation énergétique, ou encore sur le traitement à réserver aux acteurs économiques les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Les contributions recueillies tout au long de cette concertation, « ça ne tranche pas les débats, mais ça nous guide », assure Olivier Véran. « Alors, qu’est-ce qu’on en fait ? complète-t-il : on s’en inspire. On va revenir vers les participants et leur dire : ‘‘Voilà ce qu’on prend et ce qui ne peut pas être retenu, pour telle et telle raison, parce que gouverner, c’est choisir’’. »

Si la forme que prendra ce retour n’est pas connue, le gouvernement s’est au moins engagé à répondre par écrit à la synthèse de la concertation, rappellent les garants. Il indiquera alors dans un rapport ses propres orientations pour la prochaine loi de programmation énergie-climat (LPEC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui suivra. Des textes que le Parlement examinera à partir du second semestre 2023. Avec ou sans filtre.

Une France divisée sur l’avenir énergétique du pays