Cette tribune, à l’initiative des sénatrices et sénateurs écologistes, est un appel à soutenir les membres de
l’IRSN – Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – actuellement mobilisés pour
défendre leur institution et les valeurs qu’elle agrège : « excellence, indépendance,
partage et anticipation ». Elle alerte sur la situation dégradée de la sûreté nucléaire et
d’une relance de l’atome au prix de la sûreté et de la sécurité des citoyens. Plus
largement, c’est un appel à préserver notre démocratie en exigeant un débat public à la
hauteur des choix qui déterminent notre avenir énergétique et, indissociablement, la
réussite de notre transition écologique.

Que deviendrait la démocratie sans le concours des contre-pouvoirs qui la
maintiennent face aux épreuves qu’elle traverse : les conflits armés, le dérèglement
climatique, ou encore les risques d’accidents nucléaires ?

Qu’une relance nucléaire ait été décidée au plus grand mépris démocratique, faisant fi
du fiasco industriel et financier de la filière est un fait. Qu’elle le soit au mépris de la
sûreté et de la sécurité des citoyens en est un autre.
En effet, le processus d’affaiblissement des contre-pouvoirs – qui se déroule sous nos
yeux alors que l’attention est ailleurs – se durcit avec un ultime fait du prince :
l’annonce du démantèlement de l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire. Désormais toutes les expressions potentielles de contestation ont été contournées.
Dès lors, comment exprimer ses oppositions légitimes à une relance nucléaire massive,
avec la construction de 6 nouveaux réacteurs, finalement déjà décidée ? Preuve d’une
volonté d’un passage en force, le Conseil Politique Nucléaire du 3 février 2023 institue une
méthode ad hoc : se réunir deux fois par an pour s’auto-saisir de la politique nucléaire de la
France.
Ni le débat parlementaire, ni le débat citoyen n’ont été respectés. En janvier, au Sénat, la
loi « d’accélération du nucléaire » – dont Daniel Salmon, sénateur écologiste, était le chef de
file pour le Groupe Écologiste, Solidarité et Territoires – a été votée, alors que le débat public
mené par la Commission Nationale du Débat Public n’a pas encore rendu ses conclusions. De
multiples dérogations administratives accordées, notamment à l’encontre du droit de
l’environnement, posent désormais les jalons de la relance nucléaire et affirment que le
développement des énergies renouvelables ne doit pas faire barrage à celui de l’atome.
Maintenant, le gouvernement anticipe les éventuelles réserves des institutions chargées
de l’expertise. Maintenant, c’est au tour des députés écologistes et leur cheffe de file,
Julie Laernoes, de poursuivre le débat à la lumière de cette nouvelle configuration.

Quelle que soit la question posée et ses enjeux, que l’on soit pour ou contre le nucléaire, la
maîtrise du risque majeur d’accidents nucléaires doit être un préalable à toute décision.

Pour ou Contre la relance nucléaire, il y a débat ; mais toutes et
tous

Pour la sûreté et un choix démocratique éclairé
Dans ce cadre, s’il y a bien une institution que les écologistes défendent, c’est une institution
qui fournit une expertise indépendante et hautement compétente en synergie avec la
recherche, c’est-à-dire l’IRSN.
L’IRSN apporte une expertise indépendante de la décision qui relève de l’ASN,
l’Autorité de sûreté nucléaire. Comme le déplore la commission d’éthique et de déontologie
de l’IRSN dans son communiqué du 15 février 2023 : « la confusion entre expertise et prise
de décision constituerait un recul considérable puisqu’il priverait d’indépendance cette
expertise ». Avec l’institut disparaissent un « garde-fou institutionnel » et « son expertise de
haute qualité reconnue internationalement », d’autant que « l’IRSN n’a jamais failli dans ses
missions au bénéfice de la sécurité et de la sûreté », comme l’a soutenu avec force Daniel
Breuiller, sénateur du Groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, en interpellant la Ministre
de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, lors des questions au gouvernement du
15 février.
L’Institut fait bien plus encore : intrinsèquement, par son statut et sa charte, il préserve
notre démocratie. Car la démocratie, c’est aussi l’accès à l’information, préalable à tous
débats. Sur des sujets aussi techniques, entremêlés d’intérêts colossaux au regard des sommes
engagées, l’IRSN apporte une information brute, une « connaissance des risques sans biais ».
Sa fusion programmée avec l’ASN et avec d’autres institutions risque fatalement de renforcer
l’opacité, vers une opacité institutionnellement intégrée.

Les écologistes s’opposent à une relance nucléaire

Parce que la sûreté nucléaire doit impérativement être renforcée pour le parc existant,
les écologistes s’opposent a fortiori à une relance nucléaire associée à une réduction des
exigences de sûreté, dont l’indépendance de l’IRSN était le garant. L’actualité rouvre de
vives sources d’inquiétudes, parfois relayées par des lanceurs d’alerte en haut de la hiérarchie
de la filière nucléaire.
Au-delà de la sûreté et de la sécurité, d’autres arguments pragmatiques confirment
l‘opposition des écologistes. Si l’on compare l’énergie électronucléaire aux énergies

renouvelables, ces dernières s’avèrent plus sûres, plus compétitives et plus créatrices
d’emplois locaux non délocalisables. Une analyse comparée avec les autres pays montre que
l’évolution de la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial suit une pente
descendante presque verticale, passant de 20 % à moins de 10 % en moins de 20 ans et ce, au
profit des énergies renouvelables.


Et pour cause : le nucléaire est un gouffre financier. La dette d’EDF, annoncée le 17
février 2023, s’élève à 64,5 milliards d’euros, avec des pertes records estimées à près de 20
milliards. Fiasco illustre, les coûts du projet de l’EPR de Flamanville ont été multipliés par 6.
De là s’explique la recherche de financements, au travers de laquelle se dessine un ‘’quoi
qu’il en coûte’’ dissimulé mais visiblement étranger aux questions de sûreté nucléaire. Le
gouvernement, prêt à toutes les transgressions, envisage d’utiliser le livret A, l’épargne des
Français.es, pour financer la relance nucléaire. Cela équivaut à un dévoiement d’une épargne
solidaire censée financer en grande partie des logements sociaux et la rénovation énergétique,
et non pas « les déchets des générations futures » comme l’a rappelé Marine Tondelier.
Une conclusion d’étape de ces débâcles industrielles devrait nous conduire à l’extrême
prudence. Pourtant, c’est exactement l’inverse qui a été décidé, au plus grand mépris
démocratique. Même dans un monde idéal où ces dysfonctionnements n’auraient pas
lieu, l’énergie nucléaire sûre, les délais incompressibles de mise en œuvre des nouveaux
réacteurs ne permettent pas de respecter nos engagements climatiques.

Une relance nucléaire, quoi qu’il en coûte