« On aime la bagnole. Et moi je l’adore », a déclaré Emmanuel Macron dans un entretien télévisé le 24 septembre. L’intérêt bien compris de chacun est de rester accroché à la voiture, au lieu de se tourner vers d’autres modes de transport, observe Stéphane Foucart, journaliste au « Monde », dans sa chronique.
Stéphane Foucart LE MONDE
Extraits :
Si l’on met de côté le caractère normatif et performatif de la parole présidentielle, cette déclaration d’amour à « la bagnole » a le mérite de mettre en lumière son statut particulier en France.
Ce statut passe par des controverses visibles et médiatiques, comme la construction compulsive d’autoroutes, qui génère son lot de controverses et peut-être bientôt de drames. Plusieurs opposants à la construction de l’A69 – susceptible de faire gagner quelques minutes aux automobilistes entre Castres et Toulouse, au prix de centaines d’arbres abattus et de 300 à 400 hectares de terres agricoles bétonnées – sont depuis plusieurs semaines en grève de la faim pour protester contre l’absurdité de ce projet. Ces jours-ci, l’un d’eux, Thomas Brail, met littéralement sa vie dans la balance.
Les opposants ont de leur côté nombre d’instances d’expertise officielles – le Conseil national de la protection de la nature, l’Autorité environnementale, le Commissariat général à l’investissement – de même que plus de 1 500 scientifiques qui ont appelé, le 4 octobre dans un texte publié par L’Obs, à l’abandon du chantier. Mais rien ne semble y faire, rien ne semble faire le poids face à la sacro-sainte voiture individuelle. La « bagnole » est trop incontournable, trop « adorable », et pas seulement à la tête de l’Etat. Elle l’est tant du côté de la région Occitanie et de sa présidente, Carole Delga (Parti socialiste), que de celui du gouvernement et de son ministre des transports, Clément Beaune (Renaissance).
(…)
L’avantage fiscal concédé aux (200 000) véhicules de fonction revient à faire peser sur la collectivité des bénéfices accordés aux catégories sociales les plus favorisées. Dit autrement : les moins favorisés paient donc pour permettre aux plus fortunés de s’adonner à leur amour de la bagnole, au prix de dégâts pour l’environnement, le climat et la santé. De manière collatérale, cela participe de surcroît à maintenir la grosse auto – les voitures de fonction sont rarement de petits modèles sobres et économes – comme un attribut-clé de différenciation sociale. Les catégories socioprofessionnelles les plus aisées donnant généralement le « la » au reste de la société, cela contribue à nous maintenir enfermés dans une relation amoureuse excessive et ruineuse avec la « bagnole ».