Changement de nom et consultation : les Verts veulent faire peau neuve

EELV devient « Les Écologistes », a annoncé Marine Tondelier le 9 février 2023. Ici en octobre 2022 à Cluny (Saône-et-Loire). – © Mathieu Génon / Reporterre

Les états généraux d’EELV ont débuté le 9 février. Conscient de ses échecs répétés, le parti devenu « Les Écologistes » mise sur la concertation citoyenne pour se réinventer et séduire 1 million de sympathisants.

« Nous n’avons plus de temps à perdre dans les coquetteries politiciennes. » Au revoir les querelles, Noël Mamère est bel et bien décidé à mener la « guerre pour l’écologie ». Pour cela, encore faudrait-il que ses successeurs battent enfin son modeste score (5,25 %) à la présidentielle de 2002. Le 9 février, quelques cadors d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) se sont rassemblés sur une péniche, amarrée en face du quai Branly (Paris), pour le lancement officiel des états généraux du parti.

Fraîchement élue à sa tête, Marine Tondelier semble vouloir tourner la page des années Bayou et Jadot. Sans oublier d’en tirer des leçons : « Nous, écologistes, avons collectivement échoué dans la séquence électorale de 2022 à apporter le changement dont nous avions besoin. » La secrétaire nationale assure avoir réfléchi aux raisons de cet échec, « avec lucidité et humilité » : « Et on a listé beaucoup de choses… »

En ce jour du centenaire de la naissance d’André Gorz, à qui les orateurs n’ont pas manqué de rendre hommage, l’heure était donc à la présentation des contours de la « nouvelle coalition écologiste ». Les Verts se donnent 150 jours, ni plus ni moins, pour bâtir ce parti ressuscité, promis lors du récent congrès.

Pour faire peau neuve jusqu’au bout des ongles, EELV s’apprête à devenir « Les Écologistes ». Un changement de nom que Marine Tondelier promet plus concret que l’UMP devenu Les Républicains ou le Front national transformé en rassemblement, qui ont « tout changé pour que rien ne change ».

150 jours

Pour mener à bien cette délicate refondation, un comité de pilotage d’une quarantaine de personnes assurera la gouvernance de la coalition. Du maire de Grenoble à celui d’un petit village de Corrèze, des responsables politiques composeront la moitié de ce comité. L’autre moitié laissera place aux citoyens de la société civile : Amine Kessaci, activiste des quartiers nord de Marseille ; Priscillia Ludosky, figure des Gilets jaunes ; Nassurdine Haidari, militant antiraciste ; Emilie Le Fur, championne du monde de VTT ou encore l’artiste Capucine Dupuy, autrice de la bande dessinée Plastic Tac Tic Tac.

Présidente de Notre affaire à tous, Clotilde Bato félicite cette audacieuse main tendue aux personnalités qualifiées, pour qui il est « essentiel de s’emparer des rôles politiques ». Un avis partagé par Marie-Blanche Personnaz, spécialiste de la pollution de l’air et désormais membre du comité : « J’ai passé plus de trente-cinq ans à rédiger des rapports, pensant naïvement que les politiques finiraient par prendre les décisions qui s’imposent. Résultat : ils s’en sont servi pour faire du business. Alors aujourd’hui, je veux sortir de ma tour d’ivoire et donner ma pierre à l’édifice. »

« Venez comme vous êtes »

Dès à présent et jusqu’à début mai, une grande enquête populaire est organisée en ligne et plusieurs centaines de réunions devraient être tenues aux quatre coins de la France. Objectif : demander aux électeurs en quoi un parti écologiste pourrait être utile, à défaut de les avoir convaincus lors des précédentes campagnes. « Intégrer des non-adhérents à cette réflexion est une démarche très innovante, commente le politologue Simon Persico. Jusqu’ici, les partis politiques ont toujours été frileux, réticents à l’idée d’ouvrir leurs portes. » En 2010, EELV avait déjà créé le statut de coopérateur, plus souple qu’une adhésion. « Celui avait plutôt bien fonctionné au début, avant de rapidement s’essouffler. »

Le slogan des états généraux de l’écologie, clin d’œil sarcastique aux publicités de McDonald’s ?

Une fois achevée la phase d’écoute, des conférences citoyennes auront pour mission d’établir « des propositions concrètes répondant aux enjeux identifiés », détaille Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers et garante du processus. Celles-ci permettront d’écrire la « grande convention de la refondation », actant l’envol du futur mouvement écologiste dès l’été 2023.

« Sortir de notre zone de confort »

Les Verts ne cachent pas leur ambition, en filigrane, d’attirer 1 million de sympathisants d’ici la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. « [Nous avons] 150 jours pour recruter », glisse sans détour le mathématicien et ancien député Cédric Villani. « Notre ardente obligation est d’aller vers ceux qui ne nous regardent pas, qui nous ignorent, abonde Noël Mamère. Nous avons beaucoup de choses à dire à ceux qui souffrent des inégalités et de l’injustice : l’écologie est un outil d’émancipation, de libération et de reconquête de l’estime de soi. »

Aux yeux du politologue Simon Persico, cette prise de risque peut fonctionner comme capoter : « Ils partent d’un terreau qui est celui d’un désamour des partis politiques, d’un manque de confiance et d’une chute des adhésions. Les citoyens vont-ils répondre à leur appel ? » Là est l’enjeu, assure l’eurodéputé David Cormand, tourmenté par l’ascension des coalitions bleues brunes d’extrême droite : « Nous devons sortir de notre zone de confort, de cette posture en surplomb vis-à-vis des citoyens. On a 150 jours pour semer des graines, et tout le reste de la vie pour les récolter. »

Changement de nom et consultation : les Verts veulent faire peau neuve